vendredi 24 septembre 2021

Le Dîner - la fin

 La voici, la dernière partie de l’histoire. Je n’en suis pas satisfaite. Je vous dis pourquoi après le texte. Rappel, la partie précédente se trouve ici.


Je sortis précipitamment de la chambre, laissant l’Ukrainienne brisée derrière moi. Je me mis à courir dans les couloirs de l’hôtel, appelant Johan, ouvrant grand les portes. S’il n’avait pas déjà pris la fuite, je le trouverais.

Je fus stoppée net dans mon élan en arrivant dans la salle Andrássy, celle où tout avait commencé. Assis autour de la table se trouvaient Anton et quatre hommes en livrée, tous morts d’une balle tirée dans la tête. La mise en scène était macabre, et me glaça les sangs. Un cri d’horreur mourut dans ma gorge. C’était un cauchemar, et j’allais me réveiller.

Je fis demi-tour à pas lents, renonçant à appeler Johan, me faisant la plus discrète possible. Je pris la décision de retourner chercher Olena et de nous enfuir. Il nous fallait quitter cet enfer le plus vite possible et avertir la police.

Un glapissement de terreur me fit manquer un battement de cœur. Olena !

Je repris ma course en direction de ma chambre, rasant les murs, un sombre pressentiment me nouant l’estomac.

Arrivée dans l’embrasure de la porte, il me fallut un moment avant de reconnaître l’épaisse silhouette qui surplombait le corps désormais sans vie de l’Ukrainienne. Johan !

Je reculais aussi discrètement que possible, enfonçant mes ongles dans la chair de mes paumes de main, me concentrant sur la douleur, et une fois à l’autre bout du couloir, je courus jusqu’à la sortie sans m’arrêter.

Je n’ose pas imaginer de quoi j’ai dû avoir l’air, hagarde et horrifiée dans les rues de Budapest, agrippant les passants pour les supplier de m’indiquer le poste de police le plus proche. Je me rappelle avec difficulté de ces moments. Tout est flou dans mon esprit, comme un brouillard. Malgré tout, j’ai fini par être amenée à des policiers, qu’il a fallu convaincre que je n’avais pas perdu l’esprit. C’est le nom d’Olena qui a été mon sésame. D’un seul élan, une dizaine d’hommes en uniforme se précipitaient, toutes sirènes hurlantes, jusqu’au Palais Gresham. J’ai dû raconter mon histoire une quinzaine de fois, me répéter en boucle. J’ai appris bien plus tard que Johan avait résisté à son appréhension et avait été abattu sur place. L’enquête a révélé qu’il avait menti sur son passé. Il n’était pas le petit-fils d’un homme interné et fusillé par les Nazis, mais le petit-fils d’un proche d’Hitler qui avait su se planquer quand le vent avait tourné. Il avait baigné toute son enfance dans un univers de haine et de colère, qu’il avait parfaitement camouflée une grande partie de sa vie. Une pièce secrète de sa maison avait découvert une véritable chambre de torture.

J’ai rencontré sa veuve, Katja, et ses enfants. La pauvre femme était dévastée. Je pense qu’elle ne se remettra jamais du choc de la double vie monstrueuse de son mari. Des enquêtes sont en cours en Allemagne pour découvrir d’autres éventuelles victimes de celui qui a été baptisé « le Boucher de Dresde ». J’ai échangé de nombreux mails avec sa fille aînée, Isabella. Elle m’a dit avoir trouvé des documents qui laisseraient entendre que son grand-père, le père de Johan, aurait été exécuté par le KGB.

Je me suis longtemps interrogée. Olena savait-elle tout cela, et avait-elle cherché la rédemption ? Le Docteur Singh et Ekundayo Saka n’avaient-ils été que des dommages collatéraux dans une vendetta personnelle ? Tout ceci était-il le fruit du hasard ? Que me serait-il arrivé si je ne m’étais pas enfuie ? Aurais-je pu sauver Olena ? Aurais-je péri à mon tour ? Ma psychiatre dit que je dois laisser derrière moi ces questions sans réponse, et trouver un moyen d’aller de l’avant.

Le mois dernier, un notaire a sonné à ma porte, de la part d’Olena. Il avait des instructions claires, et étant la seule survivante du drame du Palais Gresham, c’est à moi seule que revenait la fortune d’Olena. J’ai presque tout donné. A la pauvre Katja, à ses enfants, à des associations.

Je regarde toujours derrière mon épaule. Me voilà au terme de mon récit, et je ne sais pas vraiment si cela m’a aidée. Je ne ressens qu’un immense chagrin pour ces vies gâchées. Pour le Docteur Singh, qui avait encore de belles aventures à vivre même si son temps était compté. Pour Ekundayo Saka, qui aurait pu publier encore de nombreux best-sellers. Pour Olena, une veuve solitaire qui a payé de sa vie ses manipulations. Et pour le pauvre Johan et sa pauvre famille, brisée par la haine. Et pour moi, parce que rien ne sera jamais plus comme avant. 


FIN


Et maintenant, pourquoi je ne suis pas satisfaite : ma fin manque d'originalité et remplit un tas de poncifs (bouh le vilain Allemand). Je me suis piégée moi-même en écrivant sans préparation, à la première personne, plaçant le personnage de Camille au centre de tout.

Une version de mon idée mixait celle de Vicky et la mienne : nous sommes dans un roman d'Ekundayo, et elle raconte l'histoire tour à tour du point de vue de chacun des personnages comme s'il était le seul survivant. Voilà qui m'aurait plu à écrire si j'avais réfléchi un tant soit peu à mon récit !  


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