Semaine 6 du Défi Marathon de Vicky Saint-Ange : unifier les textes. Ayant participé au Défi Sprint, je connaissais la contrainte, et j'ai triché un peu en écrivant la même histoire de semaine en semaine.
Je me suis malgré tout efforcée de faire des call-backs aux épisodes précédents. Au final, mon texte de conclusion faisait 2072 mots, et je n'étais pas satisfaite de la piste suivie.
J'ai donc décidé de couper la poire en 2 : vous n'aurez cette semaine qu'une partie de texte (1320 mots). Ce que j'attends de vous, c'est de me donner vos théories sur la fin de l'histoire : ici en commentaires, sur Twitter si c'est de là que vous arrivez, en DM sur Discord (nom d'utilisatrice : Mamie Odetolily#6859). Et j'écrirais vos versions, et je dévoilerai la mienne plus tard. Allez !
Il fallut que la pauvre Ekundayo Saka soit retrouvée
flottant dans la piscine, noyée, pour que je la raye de ma petite liste de
suspects. Nous en étions au jour 8, et l’animosité régnait dans notre prison
dorée, ce beau Palais Gresham qui nous semblait désormais terrifiant, sa
grandeur funeste alors que le silence y régnait.
Je devais avouer que la jeune Nigériane avait fait une
candidate idéale : écrivaine, autrice de polars, elle avait elle-même
avoué sa fascination pour le huis-clos que nous vivions. Elle aurait très bien
pu en être l’instigatrice, reproduisant une étude grandeur nature pour son
prochain roman, ou ayant simplement pété les plombs à force d’inventer des
horreurs perpétrées par des personnages fictifs, et décidé de passer à l’acte
par elle-même.
Mais elle était morte, désormais, et le mystère
s’épaississait. Les lettres disaient que nous mourrions au terme de quinze
jours, mais cela faisait à peine plus d’une semaine et deux d’entre nous
avaient déjà passé l’arme à gauche. La paranoïa nous gagnait, alors que les
sbires chargés de notre surveillance se raréfiaient.
Pourquoi alors ne me suis-je pas enfuie ? Je me suis
posé la question des centaines de fois. J’aurais pu partir, me battre, alerter
quelqu’un, mais je suis restée passive, tel un lapin pris dans la lueur des
phares.
Je n’osais plus ou presque sortir de ma chambre. Mes
escapades consistaient en des raids dans la cuisine, empilant des provisions et
rasant les murs des couloirs avant de retourner dans la suite qui m’avait été
allouée, tous les sens en alerte.
Je rêvais toutes les nuits du Dr Singh et d’Ekundayo. Ils me
hantaient, me promettaient que j’étais la suivante sur la liste, que j’allais
les rejoindre. Je me réveillais en sueur et terrifiée.
Parfois, je croisais Olena lors de mes rares sorties. Elle
semblait complètement éteinte, vidée de toute substance. Ses longs cheveux
blonds pendaient tristement, secs et ternes le long de son visage, ses traits
pâles et creusés étaient accentués par l’absence de maquillage. Il ne restait
rien de la femme affirmée et mystérieuse qu’elle était le premier soir, celle
qui avait joué avec les nerfs du Dr Singh, dont la vivacité d’esprit m’avait
tant fascinée. Si je n’avais pas été capable de la toucher pour m’assurer de sa
consistance, j’aurais pu jurer avoir affaire à un fantôme.
Le pauvre Johan, lui, restait introuvable. Peut-être
avait-il finalement trouvé moyen de prendre la poudre d’escampette et de
retourner auprès de sa douce Katjia, peut-être serait-il le seul rescapé de
notre funeste aventure. Je l’espérais pour lui. Que l’un d’entre nous s’en
sorte.
Je crois que j’avais à ce moment-là fait le deuil de ma
propre vie. J’étais résignée, et ne faisais que retarder le sort. La mort
m’avait été promise, et c’était elle que j’attendais.
Finalement, au terme du douzième jour, des coups frappés à
ma porte me firent sursauter. Etait-ce le destin qui venait me cueillir.
J’ouvris en tremblant.
Olena se trouvait face à moi, les yeux baignés de larmes, sa
silhouette squelettique enveloppée dans un châle diaphane qui n’empêchait pas
les frissons de parcourir son corps.
« Camille, me dit-elle en chuchotant, les yeux
écarquillés de terreur. Je viens me confesser. »
Je reculais de quelques pas pour lui permettre de rentrer,
sans pour autant la quitter des yeux. Je ne savais pas où elle voulait en
venir, et malgré son apparence fragilité, rien ne me garantissait qu’elle
n’allait pas soudainement m’attaquer.
Elle se contenta de se laisser tomber lourdement sur le lit,
comme si son corps avait perdu toute force et gisait là, désarticulé. Je
m’approchais à pas de loup, peinant à me départir de ma méfiance, mais étonnée
malgré tout de son comportement, tant Olena me semblait désormais éloignée de la
Grande Dame Slave qui m’avait tant impressionnée les premiers jours. Je
remarquais que ses yeux étaient rougis et bouffis de larmes, et un sentiment
d’horreur m’envahit. Venait-elle m’avouer qu’elle avait assassiné le Docteur
Singh et Ekundayo ?
Elle leva un regard implorant vers moi, et je m’agenouillais
face à elle.
« Olena. Parlez-moi, que venez-vous
confesser ? »
Elle prit une inspiration hachurée par les sanglots, avant
de se lancer dans son récit.
« Si vous vous rappelez bien, je n’ai jamais eu l’occasion
de vous raconter mon histoire. Mon nom est bien Olena Serhiyivna Volkova, je
suis bien Ukrainienne, et j’ai bien 54 ans. Mon père n’était pas une victime du
Goulag, mais un homme haut placé dans la hiérarchie du KGB. Je suis une riche
veuve qui a grandi dans un monde d’espionnage, de contre-espionnage et de
trahison. J’ai toujours soupçonné feu mon mari d’avoir fait assassiner mon
père, et Poutine d’avoir fait assassiner mon mari. J’ai quitté l’Ukraine pour
le Royaume-Uni en 2012, décidée à vivre une vie de calme.
J’ai découvert l’ennui. Les mensonges et les manigances se sont mis à me
manquer très vite. Alors j’ai élaboré ce plan. Quand j’étais enfant, le Palais
Gresham appartenait à la ville de Budapest, et j’y ai assisté à de nombreuses
réunions secrètes. J’ai eu envie d’y réunir des gens à la personnalité ou à
l’histoire de vie intéressante. Je voulais tuer l’ennui. La vérité, c’est que
je vous ai tous choisis plus ou moins au hasard, au travers de recherches
internet diverses et variées. Il n’a jamais réellement été question que qui que
ce soit meure. C’était juste un moyen de vous attirer ici. »
Elle s’arrêta pour reprendre son souffle et éponger ses yeux
baignés de larmes. La tête me tournait et je reculais un peu plus, m’arrêtant
une fois le dos au mur. Je me sentais vidée de toute énergie, et je n’y
comprenais plus rien.
« Olena…, murmurais-je. Je ne comprends pas. »
« Le directeur de l’hôtel est un vieil ami. Je l’ai
grassement payé pour louer le bâtiment en entier pour quinze jours. J’ai embauché
des acteurs pour faire le personnel. Anton – notre maître d’hôtel – est
parfait, n’est-ce pas ? Une vraie perle. Ils ont pris peur à la mort du
Docteur, et ils refusent désormais de rester jour et nuit. Je ne peux pas leur
en vouloir. J’ai peur, moi aussi. »
« Mais que devait-il se passer exactement ? »
Je n’arrivais toujours pas à voir où Olena voulait en venir,
et la colère commençait à monter.
« Je suis mourante. »
Elle baissa les yeux. Elle me semblait si petite et si
fragile, j’aurais pu la prendre en pitié si la situation avait été différente.
« J’ai tout cet argent, et personne à qui le laisser.
Je n’ai pas de famille. Alors m’est venue cette idée de réunir quatre inconnus.
S’ils étaient assez braves pour venir malgré les menaces, ils méritaient de
toucher une part de mon héritage à ma mort. Je voulais des esprits libres et
indépendants, des gens qui ont surmonté des difficultés, des gens à l’opposé de
mon existence. Toutes ces menaces dans la lettre, c’était juste des paroles en
l’air. Il n’y a que moi qui était censée mourir au terme de ces deux semaines
avec vous. Mon notaire a essayé de me dissuader mais… J’ai toujours été
têtue… »
« Olena ! Le Docteur Singh est mort égorgé !
Ekundayo a été noyée ! Comment l’expliquez-vous ? »
Elle s’effondra en larmes. Je me relevais, faisant les cent
pas dans la chambre. Tout en moi me criant d’aller la consoler, mais toutes ces
révélations étaient beaucoup trop perturbantes. Si tout cela était faux,
pourquoi est-ce que nous mourrions tous à tour de rôle. Et qui était le
prochain sur la liste ?
Une idée me vint enfin.
« Vous pouvez appeler quelqu’un ! Vous devez
forcément avoir encore des contacts au KGB. Quelqu’un doit pouvoir nous venir
en aide ! »
Elle secoua la tête.
« C’est fini, Camille. Nous allons mourir. »
« Je vais chercher Johan et lui expliquer la situation. Nous allons nous en sortir ensemble. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire