mercredi 4 août 2021

Ullie

 Un fragment d'une histoire qui ne verra jamais le jour. 465 mots


Ma Reine avait toujours été douce avec moi. Elle régnait d’une main de fer sur le pays, au beau milieu d’un monde à feu et à sang. Son intronisation avait été faite en urgence, lorsque toute sa famille, prise en embuscade par une faction ennemie, avait été massacrée sur la route de retour d’un voyage diplomatique destiné à mettre fin à la guerre. L’échec avait été cuisant et, à tout juste 19 ans, elle s’était retrouvée à la tête d’une nation déchirée, traumatisée, et assoiffée de vengeance.

J’étais sa servante depuis ma plus tendre enfance, et nous avions noué une relation de confiance que nous gardions sous silence. La tragédie qui l’avait touchée lui avait appris la méfiance, et elle me disait souvent, dans un murmure protégé par la nuit, que même ses conseils ne lui inspiraient que des sentiments négatifs, une sorte de présage dont elle ne savait pas comment se protéger.

« Je n’ai que toi, Ullie », me disait-elle souvent. « Je te connais depuis si longtemps, je connais les tréfonds de ton âme aussi bien que tu connais les miens. »

Ce matin-là dans mon lit, l’aube pointait à peine le bout de son nez et, déjà, j’essayais de chasser de mes yeux les dernières miettes de sommeil, le souffle d’air froid qui courait sur ma peau me décourageant de sortir de sous les couvertures. Pourtant, il était temps de mettre de l’eau à bouillir, et d’aller glisser une brique chaude dans le lit de ma reine, pour adoucir son réveil.

« Ullie, Ullie, lève-toi, vite ! »

 Je ne devais pas être complètement réveillée pour imaginer la voix de ma Reine dans ma chambre. Et ce froid glacé sur ma peau… Je resserrais les couvertures autour de moi. Il fallait que j’ouvre les yeux et que j’attaque ma journée, mais si je pouvais avoir juste 5 minutes de plus…

« Ullie, c’est urgent ! »

Le ton angoissé me fit ouvrir les yeux brusquement, et j’étouffais un cri. Ma Reine était devant moi, la peau translucide et le regard implorant.

J’ouvris la bouche pour hurler, mais aucun son ne sortit alors que la main que ma Reine s’efforçait de presser contre mes lèvres s’enfonçait dans mon corps, me transperçant comme un milliard d’échardes glacées.

« Ullie je t’en prie, écoute-moi ! Ils arrivent, et tu dois fuir ! Ils vont s’en prendre à toi ! »

Elle interrompit ses suppliques, et mon cerveau sembla enfin se remettre en marche.

« Ma Reine ? Que s’est-il passé ? »

« Ils m’ont tuée. C’était eux, mes conseillers. Et ils viennent pour toi. Vite, Ullie, fuis ! »

Je ne cherchais pas à faire sens de la situation, et jaillis hors de mon lit, le fantôme de ma Reine à ma suite.


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