Un fragment d'une histoire qui ne verra jamais le jour. 465 mots
Ma Reine avait toujours été douce avec moi. Elle régnait d’une
main de fer sur le pays, au beau milieu d’un monde à feu et à sang. Son
intronisation avait été faite en urgence, lorsque toute sa famille, prise en
embuscade par une faction ennemie, avait été massacrée sur la route de retour d’un
voyage diplomatique destiné à mettre fin à la guerre. L’échec avait été cuisant
et, à tout juste 19 ans, elle s’était retrouvée à la tête d’une nation
déchirée, traumatisée, et assoiffée de vengeance.
J’étais sa servante depuis ma plus tendre enfance, et nous
avions noué une relation de confiance que nous gardions sous silence. La tragédie
qui l’avait touchée lui avait appris la méfiance, et elle me disait souvent,
dans un murmure protégé par la nuit, que même ses conseils ne lui inspiraient que
des sentiments négatifs, une sorte de présage dont elle ne savait pas comment
se protéger.
« Je n’ai que toi, Ullie », me disait-elle
souvent. « Je te connais depuis si longtemps, je connais les tréfonds de ton
âme aussi bien que tu connais les miens. »
Ce matin-là dans mon lit, l’aube pointait à peine le bout de
son nez et, déjà, j’essayais de chasser de mes yeux les dernières miettes de
sommeil, le souffle d’air froid qui courait sur ma peau me décourageant de
sortir de sous les couvertures. Pourtant, il était temps de mettre de l’eau à bouillir,
et d’aller glisser une brique chaude dans le lit de ma reine, pour adoucir son
réveil.
« Ullie, Ullie, lève-toi, vite ! »
« Ullie, c’est urgent ! »
Le ton angoissé me fit ouvrir les yeux brusquement, et j’étouffais
un cri. Ma Reine était devant moi, la peau translucide et le regard implorant.
J’ouvris la bouche pour hurler, mais aucun son ne sortit
alors que la main que ma Reine s’efforçait de presser contre mes lèvres s’enfonçait
dans mon corps, me transperçant comme un milliard d’échardes glacées.
« Ullie je t’en prie, écoute-moi ! Ils arrivent,
et tu dois fuir ! Ils vont s’en prendre à toi ! »
Elle interrompit ses suppliques, et mon cerveau sembla enfin
se remettre en marche.
« Ma Reine ? Que s’est-il passé ? »
« Ils m’ont tuée. C’était eux, mes conseillers. Et ils
viennent pour toi. Vite, Ullie, fuis ! »
Je ne cherchais pas à faire sens de la situation, et jaillis
hors de mon lit, le fantôme de ma Reine à ma suite.
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