C’était un de ces soirs où l’été hésite encore à céder sa place à l’automne. Assise au bord des vagues, ses mains gonflées posées sur ses genoux, elle se laissa aller aux souvenirs du passé. L’air marin chargé en sel caressait son visage plissé par les ans, et cette douceur lui fit fermer les yeux, la plongeant plus loin encore au cœur de sa mémoire.
Elle se rappelait les jeux autour de la balançoire, sa sœur qui lui courait après, le parfum de la tarte aux pommes qu’on dévorait pour le goûter, l’odeur suave et poudrée de sa mère qui l’embrassait.
Elle se rappelait la grande bibliothèque de l’université, ses grands pans de murs lambrissés, ses allées immenses où les pas résonnaient, l’odeur acre et doucereuse des vieux livres qu’elle ne se lassa pas d’effleurer.
Elle se rappelait le soir où, partie danser, elle avait croisé son sourire et ses bras musclés, comment, un peu plus tard, elle avait goûté sa saveur épicée, et l’odeur de sa sueur dans ses draps imprégnée.
Elle se rappelait la douleur, le chagrin, la colère, la façon dont il l’avait hantée, les battements de cœur manqués lorsque parfois il lui semblait sentir son parfum, comme un écho diminué.
Elle se rappelait les blessures, les joies, les peines, l’amour retrouvé. Elle se rappelait les deuils, les enfants, les amis, le parfum du café le matin, la soupe en train de chauffer. L’odeur de la terre les jours de pluie, et celle du talc pour bébé. Elle se rappelait les champs de lavande, la peinture en train de sécher.
Assise au bord de la mer, ses larmes ont séché. Perdue dans un labyrinthe d’odeurs, son sourire s’est figé. Elle glisse dans ses souvenirs, les senteurs du passé. Le parfum des embruns s’efface…