dimanche 20 janvier 2019

Nanovember #5 - Chicken

Petit Poulet

Je vais vous raconter l’histoire de Petit Poulet.

Petit Poulet était, vous l’aurez deviné, un poussin. Très jeune, Petit Poulet avait vu sa maman partir, emportée par un renard. C’est très triste, mais malheureusement, ce sont des choses qui arrivent.
Petit Poulet n’avait pas compris tout de suite que sa maman était partie, et qu’elle ne reviendrait plus. Alors il suivait les autres poules, toute la journée, en demandant : “Maman ? Maman ?”
Mais les autres poules ne voulaient pas de lui, et le repoussaient.

Alors Petit Poulet décida de partir parcourir le monde. Il avait entendu dire, qu’un ver magique se trouvait quelque part dans le sol, et que si on tirait ben fort sur lui, alors il ouvrait un passage pour “l’autre côté”. Petit Poulet se demandait ce qui pouvait bien se trouver, de l’autre côté, et si, peut-être, sa maman y était partie, embarquée par accident par le ver magique.

Mais Petit Poulet était bien trop petit pour attraper des vers dans son bec, alors vous imaginez bien qu’un ver magique, jamais il n’y arriverait !
Peut-être alors suffisait-il de faire le tour du monde, pour arriver de l’autre côté.

C’est ainsi qu’un matin, sans dire un mot d’adieu, sans se retourner, Petit Poulet prit la route, pour se rendre de l’autre côté.
“C’est simple, pensait-il, il suffit d’aller tout droit.”
Mais marcher n’est pas simple, quand on n’est rien qu’un tout jeune poussin, et le monde extérieur apparaît très vite immense et terrifiant.


Petit Poulet avait l’impression d’être parti depuis des heures entières quand il arriva à la ferme d’à-côté. Les gens qui vivaient là ne travaillaient pas la terre, et n’élevaient pas d’animaux. Ils avaient simplement choisi de s’installer là pour fuir la grande ville, et élever leurs enfants dans le bon air pur de la campagne.


En parlant d’enfants, justement, Petit Poulet en apercevait un. Il avait l’air d’un géant tout rose, avec de longs poils blonds sur sa tête, des bras et des jambes épais, et un gros tissu blanc cachait son arrière-train.
“Un monstre !”, s’écria notre poussin ! “Sauve qui peut”. Et il se mit à pépier de terreur, secouant sans succès ses maigres ailes de Petit Poulet.
Ce qu’il avait pris pour un monstre, c’était un bébé. Le dernier de la famille, qui apprenait tout juste à marcher, et profitait de l’été pour le faire en couches, parce que, tout le monde le sait, c’est bien plus rigolo de se promener en couche que tout habillé. Le bébé, qui s’appelait Enzo, avait été attiré par les piaillements de Petit Poulet, et se précipitait vers lui aussi vite que ses courtes jambes lui permettaient.
Il se pencha délicatement, et saisi Petit Poulet tendrement dans sa main. Sa mère, attirée par le bruit, accourut vers lui :
“Qu’as-tu attrapé là, Enzo ? Mais c’est un bébé poussin ! Sois gentil et délicat avec lui mon chéri, il ne faudrait pas lui faire de mal.”
Pour toute réponse, Enzo lui sourit et caressa avec la plus grande douceur le plumage de Petit Poulet, qui était toujours affolé.

Notre poussin, qui ne comprenait bien sûr pas la langue des humains, sentait que quelque chose était en train de se passer, et qu’il ne craignait rien. Il poussa alors un petit pépiement de contentement, avant de se blottir entre les mains du petit bonhomme.
La maman d’Enzo se prit à sourire. “Nous allons lui trouver un lit ! Il faudra le garder bien au chaud, et le nourrir. Nous nous occuperons bien de lui !”
Elle déposa un peu de coton et de foin dans une boîte d’allumette, et cela fit un lit pour le poussin.
Elle mit à moudre des grains de maïs qu’elle gardait pour faire parfois du pop-corn, et Petit Poulet eut à manger.

Les semaines, les mois passèrent, et Petit Poulet se sentait bien, choyé par Enzo et les siens. Il avait presque oublié l’autre côté, et la possibilité d’y retrouver sa mère, et le ver magique.
Sa boîte d’allumettes était devenue trop petite, alors on lui avait fait un nouveau lit,dans une boîte à chaussures.
Enzo était son meilleur ami, même s’ils ne se comprenaient pas. Il prenait toujours soin de lui, et parfois la nuit, Petit Poulet quittait sa boîte à chaussures pour venir se blottir dans son cou, près de la chaleur de son corps.

Un jour qu’ils se promenaient côte à côte, Petit Poulet crût apercevoir une longue ficelle brune qui se tortillait près des pieds de son ami. Le ver magique ! Il avait oublié ! Ce devait être lui ! Notre poussin devenu grand se précipita et commença à tirer de toutes ses forces. Il tirait, tirait, tirait quand soudain PATATRAS ! Son ami s’écroula sur lui, et se mit à pleurer.
La maman d’Enzo arriva en courant, et prit son fils dans ses bras pour le consoler. Que s’était-il passé ?
“Petit Poulet a tiré sur mon lacet, encore et encore, et je suis tombé”, dit-il entre deux sanglots.

Lorsque Petit Poulet réalisa son erreur, il se sentit triste et coupable. Il n’avait jamais voulu faire de mal à son ami. Que faire ?
Les jours suivants, Enzo resta couché dans son lit. Petit Poulet essaya de lui donner quelques petits coups de bec affectueux, pour se faire pardonner, mais le petit garçon lui tournait le dos et le boudait.
Petit Poulet se sentit très très malheureux. Enzo était la seule personne qui comptait pour lui, et désormais, il était à nouveau seul au monde.
Le cœur brisé, il décida de reprendre sa route. Il était temps de repartir à la recherche de l’autre côté. Il était plus grand et plus fort maintenant, peut-être pourrait-il trouver le ver magique. Peut-être retrouverait-il sa maman ?

Il voyagea encore et encore, pendant très très longtemps. A chaque créature qu’il croisait, il demandait : “As-tu déjà vu un ver magique ? Sais-tu comment se rendre de l’autre côté ?”. Mais chaque fois, on lui répondait non, et il reprenait sa route, sans se décourager.

Un jour, finalement, il rencontra une créature étrange, qui avait vu un ver magique, un peu plus loin, dans le désert. Un ver, si long, et rampant, dont la tête sans yeux sonnait en se dressant. La créature lui indiqua le chemin, avec un étrange et inquiétant sourire. Mais Petit Poulet, tout à sa joie de peut-être, enfin, découvrir l’autre côté, et retrouver sa maman, n’y prêta pas attention.
Et Petit Poulet courut vers son destin, en plein cœur du désert, loin de sa campagne natale, à la recherche de l’autre côté. Il avait tant grandi depuis le début de son voyage, il était devenu un jeune coquelet, bientôt coq, et il avait confiance dans sa force.

Soudain, il entendit un crécellement. Il était là ! Le ver magique ! Si gros, et sa tête sans yeux se dressait devant Petit Poulet et… Oh non ! Ce n’était pas le ver magique, c’était un serpent ! Un serpent à sonnettes ! C’est sa queue, que notre jeune coquelet avait pris pour une tête. Petit Poulet s’était fait piéger !
Et déjà, le serpent attaquait. Mais Petit Poulet était brave, et comptait bien ne pas se laisser faire ! Il donnait des coups de bec, des coups de griffe, tout en esquivant le crotale qui fondait sur lui, tous crochets dehors, le venin perlant déjà, la queue tendue comme une masse, prête à s’abattre pour l’assommer.
Bec ! Bec ! Griffe ! Petit Poulet était courageux, mais intelligent, et savait que le mieux qu’il avait à faire, c’était de s’esquiver et de courir, le plus loin possible. Si seulement il pouvait voler !
Il profita d’avoir temporairement estourbi son ennemi, et pris ses pattes à son cou. Vite ! Vite !

Il courut si vite et si longtemps, qu’un beau jour, enfin, il aperçut un paysage familier. Il était de retour dans la campagne de son enfance, quand il n’était encore qu’un petit poussin. Et là, au loin, c’était la maison d’Enzo. Et son ami était là, devant sa maison. Oh, comme il avait changé, comme il lui avait manqué ! Il poussa un glorieux “Cocorico” en se précipitant à la rencontre de l’enfant, qui se retourna, tout étonné.

Enzo poussa un cri de joie : “Petit Poulet ! C’est toi, tu es revenu !”. Il s’agenouilla pour prendre le poussin devenu coq dans ses bras. Il pleurait et riait en même temps, et Petit Poulet chantait encore et encore, son bonheur d’avoir retrouvé son meilleur ami.
Lorsqu’ils eurent bien ri, bien pleuré, bien chanté, Enzo lui expliqua : “Je suis désolé d’être resté fâché pour si peu. Tu n’avais pas fait exprès de m’avoir fait tomber. Je suis désolé de t’avoir fait fuir. Tu m’as tant manqué !”. Et il serra son ami dans ses bras.
Bien sûr, Petit Poulet ne comprit rien à ce discours, mais il sentit tout l’amour d’Enzo dans ce câlin. Il frotta sa tête sur celle de son ami, pour lui faire comprendre à quel point il regrettait d’être parti, à quel point il lui avait manqué, et qu’il ne voulait plus jamais le quitter.

À compter de ce jour, il ne fût pas rare de les voir se promener ensemble. Le village tout entier connaissait l’histoire du petit garçon qui avait un coq pour compagnon. Lorsqu’Enzo partit à l’école, personne n’eut le cœur de les séparer, alors Petit Poulet l’accompagna. Il était en quelque sorte devenu la mascotte de l’école, et restait perché sur le rebord de la fenêtre, à observer l’intérieur de la classe, et à chanter les heures, jusqu’à la fin de la journée.
Petit Poulet ne s’interrogeait plus au sujet de sa mère, du ver magique ou de l’autre côté. Il n’avait pas besoin d’une autre famille qu’Enzo, qu’il considérait comme son frère.

Et cette belle histoire d’amitié dura encore de nombreuses années, car, baigné de tout cet amour, Petit Poulet vécu très longtemps, bien plus longtemps que n’importe quel coq. Il n’eut jamais à s’inquiéter des renards, des crotales, ou de tout autre monstre. Il était un coq heureux, tout simplement.

mercredi 2 janvier 2019

Nanovember #4 - Spell



Il repense à cette chanson parfois. “I put a spell on you”. La version, si sensuelle, de Screaming Jay Hawkins, sa voix rocailleuse et envoûtante. Envoûtante, c’est bien, ça colle au thème de la chanson.
Il n’y repense pas pour rien, évidemment. C’est quand il pense à elle, à leur rencontre, à ces quelques années de sa jeunesse qu’il lui a consacrées, à ce bonheur si vite envolé, arraché.
“I put a spell on you, because your mine.” Dans la réalité, les faits étaient inversés.

Il se rappelle leur première rencontre, par des amis communs, à une soirée quelconque, du genre de celles où il n’avait même pas envie d’aller, mais ses potes l’avaient convaincu, “tu vas quand même pas faire ton vieux !”.
Elle lui avait serré la main timidement, et il n’avait pas l’habitude de ça. Généralement, on se fait la bise dans les sphères sociales privées, et on serre la main dans le milieu professionnel.
Ça l’avait perturbé, et il avait marmonné un “enchanté”, avant de se replier dans un coin de la pièce.
Il avait mis du temps à comprendre qu’enchanté, il l’était, littéralement. Il avait passé la soirée à l’épier du coin de l’œil, détournant le regard quand il lui semblait qu’elle allait relever la tête.

Elle souriait avec douceur à ses amis, sans jamais s’éloigner tellement de Claire, la nouvelle petite-amie de son meilleur pote. Ce soir, c’était les présentations officielles, le grand bain, le mélange des deux groupes d’amis, le tout dans un shaker, on secoue et on verra bien ce qui se passe.

Ses potes avaient insisté, encore et encore, le chambrant sur le fait que s’il était venu pour bouder assis dans un canapé, finalement c’était pas la peine de venir, il aurait pu aller se coucher avec son chat, sa verveine et son gilet en flanelle, les charentaises aux pieds.

D’habitude, il aurait été piqué au vif, aurait sorti une répartie cinglante, et dragué la plus jolie fille de la soirée, juste pour leur montrer. Mais ce soir-là, leurs sarcasmes glissaient sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard, et il ne les écoutait plus, occupé qu’il était à l’observer à la dérobée.

Maëlle. C’était son prénom, qu’elle avait prononcé du bout des lèvres en glissant sa main douce dans la sienne, pour la serrer délicatement.
Maëlle. Maëlle souriait, et le sol se dérobait sous ses pieds. Maëlle parlait, et la musique sonnait à ses oreilles. Maëlle bougeait, et la planète s’arrêtait de tourner.

Enchanté. Enchanté, ensorcelé, envoûté, charmé, captivé, fasciné, séduit. Le coup de foudre, le coup de baguette magique, le filtre d’amour, la potion revigorante, sonnez hautbois, résonnez trompettes !

Elle avait fini par sentir le poids de son regard sur elle, et lui avait adressé un petit signe de la main, qu’il avait fait mine de ne pas voir, alors que tout le sang semblait déserter son visage pour aller se réfugier dans ses oreilles.
Il se sentait ridicule, pathétique, comme un ado gourd et maladroit devant son premier flirt.
Elle ne s’était pas pour autant approchée de lui, et se sentant parfaitement idiot, il avait fini par quitter la soirée, et retourner se terrer dans ses pénates, parfaitement humilié.

Quelques jours après, le téléphone avait sonné. C’était Julien, son meilleur ami, son frangin, celui qui le connaissait par cœur, avec qui il était “comme ça” depuis la maternelle.
Il l’avait invité à dîner chez lui, un soir après le boulot.
Il s’était réjoui. Juste lui et son “best bro”, des bières, des pizzas et la console, comme au bon vieux temps. C’est Claire qui lui avait ouvert la porte, et il avait réalisé : elle était là, maintenant, c’était sérieux, et même si ça ne signifiait pas la fin des soirées entre frangins, il fallait qu’il pense à prendre en compte que maintenant, elle était là aussi, importante dans la vie de Julien.

Il lui avait fait la bise avec entrain ,et lorsqu’elle s’était écartée pour le laisser entrer, il l’avait découverte, patientant tranquillement derrière elle. Maëlle. Elle était là. Pourquoi était-elle là ? Cette fois-ci, elle s’était approchée de lui, et se hissant sur la pointe des pieds, avait déposé un léger baiser sur sa joue.
Parfaitement abasourdi, aux anges de la revoir, il n’avait pas songé un instant à se pencher. Le train de ses pensées défilait à grande vitesse, le laissant principalement avec des adjectifs comme “idiot”, “bêta”, “imbécile heureux”.
Julien avait dû s’arrêter en chemin faire une course, avait expliqué Claire avant de disparaître à la cuisine, prétextant devoir surveiller son dîner.

Comme dans un rêve, il s’était laissé guider jusqu’au canapé, où elle s’était assise si près de lui qu’il pouvait sentir la chaleur de son corps, la suavité de son parfum - ou bien était-ce juste sa peau ?
Sans s’en rendre compte, il avait fermé les yeux pour se laisser emplir de son odeur, quand elle s’était raclé la gorge.
“Est-ce que ça va ? Tu as l’air ailleurs ?”
Elle avait l’air si sincèrement inquiète qu’il sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Calme-toi mon cœur, elle va finir par t’apercevoir à travers ma chemise…
Il lui avait souri, d’un sourire sincère, plus sincère que jamais :
“Ça va. Ça va même très bien, merci.”
Elle avait souri en retour, et, l’espace d’un instant, lui avait pressé le bras.

Le reste de la soirée s’était écoulé agréablement. Ils avaient dîné, assis à table - une première chez Julien, spécialiste des dîners sur canapé, ou en express au dessus de l’évier, la conversation se déroulant naturellement, sans un blanc. Maëlle lui souriait parfois, au détour d’une phrase et à chaque fois, c’est comme si le temps s’arrêtait, comme s’il n’existait plus qu’eux.
Ils avaient joué aux charades, les femmes contre les hommes, et les fous rires s’étaient enchaînés. Puis, la nuit ayant déjà pris beaucoup d’avance sur la soirée, il avait été temps de rentrer.
Claire l’avait pris à part, alors qu’il ramenait les assiettes à la cuisine :
“Est-ce que tu peux raccompagner Maëlle ? Elle ne voudra jamais le demander, mais ça me rassurerait, moi, qu’elle ne rentre pas seule.”
Il s’était empressé d’accepter.

Sur le chemin du retour, Maëlle avait glissé son bras sous le sien, et s’était serrée contre lui pour marcher, si près qu’il en tremblait presque. Un silence s’était installé, mais pas un silence gênant de ceux qui n’ont plus rien à se dire, mais plutôt un silence confortable de ceux qui n’ont pas besoin de combler le vide.
Arrivés chez elle, lorsqu’elle s’était hissée sur la pointe des pieds pour lui dire au revoir, il avait posé une main sur sa joue, et avait posé la question qui lui brûlait les lèvres :
“Puis-je t’embrasser ? Un vrai baiser ?”
Elle avait souri, acquiescé, et ça avait été le premier baiser le plus électrique qu’il ait jamais connu. Il avait l’impression d’avoir décollé, fait 3 fois le tour de la Terre, avant de retourner dans son corps, galvanisé.

Ils ne s’étaient plus quittés. 1 mois après, il posait la dédite de son appartement, et emménageait chez elle. Ils ne voyaient plus personne, à part Julien et Claire. Ils étaient dans une petite bulle de bonheur, que rien ne pouvait faire éclater.
Une nuit, après l’amour, il avait posé la tête sur son ventre et lui avait dit “ce jour-là, mon amour, tu m’as envoûté”.
Elle lui avait caressé les cheveux en silence.


Deux ans. Ça avait duré deux ans, de passion, de tendresse, de complicité, de regards échangés, de projets. Il avait mis du temps à réaliser que, sur ce point, tout venait de lui. Il tirait des plans sur la comète, parlait de futur, d’enfants, d’un plan sur 5 ans, des voyages à faire. Elle souriait, inlassablement, et lui, il prenait ça pour un acquiescement.
Lentement, en secret, il avait commencé à économiser pour une bague de fiançailles. Il n’en avait parlé à personne, pas même à Julien, c’était son projet à lui. Une fois, seulement, il était tombé nez à nez avec Claire en sortant d’une bijouterie où il venait faire des repérages. Il avait prétexté vouloir acheter des boucles d’oreilles pour sa mère. Elle avait souri et l’avait serré dans ses bras. Ce jour-là, il avait rejeté aux tréfonds de sa pensée son regard triste, presque blessé. Il savait que Julien, lui, était contre toute idée de mariage.

Maëlle. Maëlle, ma princesse, ma future femme. Ce soir-là, en rentrant, il ne l’avait pas trouvée à la maison, dans leur chez-eux, dans leur cocon.
Tout à sa joie de sa journée - ah oui, il avait trouvé la bague parfaite, et ce n’était plus qu’une question de semaines avant de pouvoir l’acheter - il ne s’était posé aucune question. Il avait préparé le dîner, pris une douche, lancé un disque sur sa platine adorée, la seule chose qu’il avait emmené avec lui de sa nouvelle via, sa vie d’avant Maëlle.


Bercé par la musique, il s’était assoupi dans le canapé. Lorsqu’il s’était réveillé, il faisait nuit noire, et elle n’était pas rentrée. Il avait consulté son téléphone, pour découvrir 5 appels en absence de Claire, 10 de Julien et un message : “Appelle-moi. ASAP. Peu importe l’heure.”
Merde. Ils avaient dû se disputer, et Claire avait appelé Maëlle à la rescousse. Il avait rappelé Julien. Son meilleur ami pleurait en décrochant. Il avait compris un truc à propos d’hôpital, et avait filé.
Arrivé aux urgences, Julien l’attendait devant la porte. Il l’avait pris dans ses bras, sans un mot, et l’avait serré fort en sanglotant. Putain, mais qu’est-ce qui avait bien pu arriver à Claire ?


C’est alors qu’il l’avait vue. Elle pleurait, dans le couloir de l’hôpital, recroquevillée.
Alors il avait su. Et il avait couru, la bouche ouverte sur un cri muet resté bloqué au fond de sa gorge. Il s’était agenouillé devant elle, et lui avait demandé : “C’est pas vrai, hein, dis ? C’est pas vrai ?”

Sans un mot, Claire l’avait pris dans ses bras. Maëlle était morte.