jeudi 22 novembre 2007

Epopée de l'ennui

Eteignez les lumières
Fermez les paupières
Et attendez
Ne respirez plus
Dans quelques minutes
Tout sera fini
C’est silence radio dans ma tête
Les volets clos
J’aimerais que tout s’arrête
Je me sens de trop
Oisiveté détestable
De mes sordides ténèbres
Mon âme est un puits sans fond
Où mes larmes se perdent
Je suis désoeuvrée
Je suis, je ne suis plus
Je ne rêve à rien
Et mon coeur se vide
Délicieuse falaise
Où déverser mon ennui
Puis l’ensevelir…
C’est fini

jeudi 15 novembre 2007

Mon amant de peinture


Qu'il me fixe de ses grands yeux verts
Et s'écroule mon univers
Qu'il me dise des mots doux
Et s'emballe mon pouls
Sa peau douce et satinée
Si je pouvais la réveiller

Il a l'air si pur
Mon amant de peinture
Mais au mur accroché
Et ne peut m'enlacer


Portrait de jeune homme, dit le neveu de Talma, Jean-Auguste-Dominique Ingres

(Pendant imaginaire au Portrait de Mona Lisa, dit La Joconde de Léonard de Vinci)

mardi 6 novembre 2007

Apprivoisée

Je n’ai pas vu venir
L’instant où tu m’as piégée
Je ne saurai dire
Où et quand tu m’as apprivoisée
Je me méfiais de tout et de tous
Petit chat effarouché
Je ne supportais pas que l’on me touche
Puis tu es arrivé
Je me suis vue fondre comme neige au soleil
Et n’ai pas réfléchi au danger
J’ai goûté à tes lèvres le miel
Et ma barque a cédé
Toi, mon chasseur
Tu m’as débusquée
Tu as chassé toutes mes peurs
Par un simple baiser
Et maintenant je suis dépendante
Du parfum de ta peau dorée
Jour et nuit je suis en attente
Du contact de tes bras musclés
Je n’ai pas vu venir
L’instant où tu m’as piégée
Je ne saurai dire
Où et quand tu m’as apprivoisée
Petit chat effarouché que j’étais

lundi 5 novembre 2007

Déconnectée

Je ne suis plus sur la même longueur d’ondes
L’image est brouillée
Je ne marche plus dans le même monde
Déconnectée
J’ai perdu le fil, j’ai perdu la clé
Je suis en exil de ton jardin secret
Et dans ce monde où tout est flou
Je tourne en rond, je n’ai plus le goût
Je ne sais plus les plaisirs
Du temps passé en ta compagnie
Je suis perdue, je suis larguée
Déconnectée

Je n’ai plus le goût, j’ai perdu la clé
Déconnectée

Dis-moi que dire, que faire, où aller
Pour retrouver ta réalité

Je n’ai plus le goût, j’ai perdu la clé
Déconnectée

A la dérive

Tu as lâché ma main et je suis partie à la dérive

Je te regarde lentement t’éloigner
Je cligne des yeux mais rien n’y fait
Ton image toujours plus floue
J’imagine que mes larmes n’améliorent rien du tout

Tu as lâché ma main et je suis partie à la dérive

Je tourne et vire dans ce grand lit froid
Je cherche à me serrer entre tes bras
J’avais oublié que tu étais parti
Et l’écho ne me renvoie que mes cris

Tu as lâché ma main et je suis partie à la dérive

Je ne peux pas m’empêcher de pleurer en pensant toi
Je ne peux pas m’empêcher de sourire en pensant toi
Je ne peux pas m’empêcher d'espérer qu’un jour tu reviendras

Légende

Il se souvient lorsque, tout gamin, dans le bar de son père, il entendait les marins raconter leurs histoires de sirènes. Jusque tard dans la nuit, il s’accrochait à ces récits abracadabrants, puis, lorsque sa mère le traînait par les oreilles jusqu’à son lit, il s’endormait la tête pleine de rêves merveilleux. C’est ce qui l’a poussé à devenir matelot. Il s’est embarqué pour vivre toutes ces aventures exotiques que racontent les vieux loups de mer devant un demi, ou quelque chose de plus fort.
Au soir de sa première journée en mer le vieux Jim lui avait conté une toute autre histoire. Il lui avait parlé d’une nuit de tempête qu’il avait connu plus jeune, quand il n’était qu’un jeune mousse embarqué avec son meilleur ami sur l’Opaline. Tous les deux de quart, ils tentaient de scruter l’horizon à la recherche des premiers signes de l’aube quand Louis, son ami, son frère, avait cru apercevoir une lumière rouge au large.
« Jim, Jim, ramène-toi mon gars, y’a une lumière là-bas, un truc rouge qui brille au loin ! C’est quoi ? Un bateau en détresse ? Tu crois qu’y faut appeler le capitaine ? »
Jim avait péniblement entamé la traversée du pont qui roulait sous ses pieds quand il avait entendu un hurlement. Une vague un peu plus forte que les autres avait précipité Louis par-dessus le bastingage. Il n’avait pas vingt ans.
Cette nuit-là, recroquevillé dans la cabine qu’il partageait avec onze autres gars, il avait écouté un ancien lui dire comment cette lumière rouge était un symbole funeste. On racontait que c’était la lanterne de la Mort elle-même, qui l’allumait pour rappeler un marin (quand ce n’était pas tout l’équipage) à elle.
Et ce soir-là, le vieux Jim avait transmis l’histoire à son tour :
« N’oublie pas petit, si tu vois la lumière rouge, ferme les yeux et pries très fort. »
Et durant ses longues années en mer, il avait croisé les doigts à chaque tempête pour que la Mort l’épargne encore. Et il avait fini par rencontrer l’aventure, l’exotisme, et tout ce qui avait peuplé ses rêves d’enfant.
Aujourd’hui, il n’était plus qu’un vieillard au visage ridé par le vent et aux articulations gonflées par le sel. La sirène qu’il avait épousée dormait dans la terre, et il passait ses nuits à scruter les flots dans l’espoir que, peut-être…
Dehors, il fait noir, tellement que le ciel et la mer se fondent l’un dans l’autre. Le nez collé à sa fenêtre, il attend. Ses paupières clignent, ses yeux se ferment petit à petit. Un effort pour les rouvrir, la lumière est là . Il se pince, il ne rêve pas. Au bord de la plage, la Mort le fixe. Elle lève sa lanterne rouge dans sa direction. Alors il sourit et sort la rejoindre dans le froid des vagues.

Stella

Elle était aussi blonde que j’étais brun, ses yeux aussi clairs que les miens étaient noirs. J’aimais me trouver à ses côtés, parce qu’alors mon air ténébreux faisait ressortir sa lumière, et j’avais l’impression qu’elle rejaillissait sur moi, inondait mon âme et me rendait beau.
Pourtant, sa beauté solaire cachait mal sa fragilité, et elle s’agrippait comme une noyée à mon torse. Elle semblait alors si petite et si frêle, blottie au creux de mes bras.
Par je ne sais quel miracle, ses parents l’avaient fait prénommer Stella. Stella... ma petite étoile perdue dans un ciel nocturne peint à l’encre de Chine...
Il paraît que la lumière des étoiles nous parvient encore longtemps après qu’elles soient mortes.
Mon étoile s’est éteinte, les ténèbres ont repris le dessus. Mais j’espère que ta lumière m’éclairera encore longtemps, et que grâce à toi je repousserai la nuit.

Accoudé au comptoir

Accoudé au comptoir, il rumine sur sa chienne de vie. A peine sorti du boulot, il a filé droit dans son bar, les doigts tâchés par le plâtre, le cheveu poussiéreux, crasseux. Ici, on ne le juge pas, il se sent chez lui, pas comme dans cet appartement miteux où il fait trop froid la nuit, sans la chaleur d’une femme dans son lit. Les femmes, parlons-en, tiens. Il en a connu des femmes, des jeunes et des moins jeunes, il en a aimé, une surtout, une plus que tout, et elle lui a mis le coeur en miettes. Alors ces créatures sataniques, il dit qu’il veut plus les voir. Il est désabusé, il est seul, trop. Même le chat qu’il nourrissait de temps à autre ne vient plus le voir, il est allé se faire écraser ailleurs sans doute. Y’a que Jean-Louis qui le comprend, ce bon vieux Jean-Louis qui lui dépose sous le nez un troisième demi, sans un mot. La mousse a débordé, un peu, alors il s’amuse à tracer des cercles avec son doigt sur le zinc. Derrière le comptoir, l’écran diffuse les infos. Faut vraiment en vouloir pour supporter ce monde qui devient fou, et lui justement, il en veut plus trop. Les malheurs du monde viennent s’ajouter au sien, et ça pèse lourd sur son dos, son pauvre dos fatigué qui a trimé toute sa vie pour quoi ? Hein, pour quoi ? La bière est bonne, c’est déjà ça.
Les heures s’égrènent, les clients changent, il ne bouge pas. Puis la nuit tombe, non, ne pas partir, pas encore, la chaleur du bar seule arrive encore à repousser la solitude qui l’oppresse.
Ce soir, un évènement. Un groupe s’installe dans un coin du bistrot, et la voix éraillée par trop de cigarettes du chanteur emplit peu à peu la salle. Il se retourne sur son tabouret.
Ce soir, un p’tit gars à béret est venu lui parler d’une vie qui ressemble un peu à la sienne, mais avec des mots bien plus beaux. Des mots qui laissent la place à la lumière… Son ventre se noue. Sans qu’il comprenne pourquoi, le soulagement l’envahit. Cette nuit, un titi gouailleur lui a rendu la foi.