jeudi 30 juillet 2020

Fraises tagada

Texte rapide pour ma chère Elodie Serrano, avec comme unique mot d'ordre : fraise tagada (lisez Les Baleines Célestes ou son nouveau roman, Cuits à point)


Il avait rêvé, si souvent, de ce que serait leur premier baiser. Il sentait son cœur battre, un peu plus fort, à chaque notification de son téléphone, lorsque c'était son prénom qui apparaissait sur l'écran.
Ils ne s'étaient jamais appelés. Il ne pouvait qu'imaginer le son de sa voix, tout comme il avait dû composer, dans son esprit, une symphonie de langage corporel, les gestes et les mouvements qui n'appartenaient qu'à Elle.
Il n'avait cependant aucun doute sur le fait qu'elle était celle qu'il désirait. Dans leurs mots, dans leurs échanges, ils se complétaient comme les deux pièces d'un puzzle.
Elle, elle avait eu des doutes, des hésitations. Il était clair, parfois, qu'elle se méfiait, et il lui avait fallu déployer des trésors de douceur pour lui faire comprendre qu'il la voulait, elle, dans son intégralité. Il l'avait rassurée, cajolée, et il voulait désormais la serrer dans ses bras, même s'il était conscient qu'il restait un risque que tout change en se rencontrant. Après tout, l'amour est une savante alchimie, et on ne peut pas savoir si la recette est bonne ou si tout va exploser, tant qu'on n'a pas mélangé tous les ingrédients.
………………………..
Il est en avance. Il guette la foule, ses doigts caressant inlassablement l'écran de son téléphone dans sa poche, comme pour se rassurer, comme si c'était elle qu'il touchait par ce lien ténu et virtuel.
Il la voit arriver, de loin, et le bruit de la foule est masqué par les tambourinements de son cœur, qui cherchent à lui percer les tympans. Il n'ose plus bouger, hypnotisé par ses mouvements hésitants alors qu'elle garde les yeux baissés.
Brusquement, elle relève la tête. Leurs regards se croisent, elle sourit. Il sent la sueur dans son dos, ses mains moites crispées dans ses poches, et le sourire qu'il essaye de lui rendre ressemble plus à une grimace.
Il la voit ralentir, la lumière diminuer dans son regard, l'ombre d'une incertitude faire trembloter l'ourlet de ses lèvres, et c'est plus qu'il ne peut en supporter.
Sans plus réfléchir, il bondit en avant, et sa main droite abandonne son emprise douloureuse et humide sur son téléphone dans sa poche, pour se refermer, tendrement et sans serrer, sur un poignet délicat. Le reste de son corps suit, et soudain il est si proche d'elle qu'il suffirait d'une respiration trop forte pour que leurs corps se frôlent.
Il se penche, doucement. Dans son regard à elle, il lit une question, et quelque chose qui ressemble à de l'espoir. Il ferme les yeux, ordonne à son coeur de se calmer, et poursuit son mouvement, ne s'arrêtant qu'à quelques millimètres de ses lèvres, attendant, se contentant de sentir la caresse de son souffle chaud, presque inexistant.
Ce n'est que lorsqu'il sent son sourire s'agrandir, et des doigts se glisser entre les siens pour les presser que, relâchant sa propre respiration qu'il ne savait même pas qu'il retenait, il laisse ses lèvres finir leur course et se coller contre celles de sa bien-aimée.

Elle a le goût du bonheur et des fraises tagada.

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