Je poursuis mon exploration des fins alternatives au Dîner, avant de vous donner ma version telle qu'elle a été écrite. Aujourd'hui, c'est au tour de la fin vue par Catherine, sur Twitter. J'ai très légèrement dévié de ta suggestion, j'espère que tu ne m'en voudras pas ! 1037 mots
Pour rappel, le texte fait suite à cette partie.
Je sortis précipitamment de la chambre, laissant l’Ukrainienne brisée derrière moi.
Il me fallait absolument trouver Johan et sortir de cet enfer le plus vite possible.
Je parcourais les couloirs en silence, rasant les murs, sans croiser âme qui vive. Peut-être le boucher était-il déjà parti, comme l’ensemble du personnel engagé par Olena qui avait fui.
Finalement, j’arrivais dans la salle Andrássy, celle où tout avait commencé. Une silhouette massive était assise à table, que je reconnus immédiatement.
Doucement, j’appelais :
“Johan ? Johan, c’est Camille. Qu’est-ce que tu fais là ?”
Il ne réagit pas, et un sentiment glacé d’horreur s’empara de moi alors que je décidais d’avancer à pas de loup. Mon effroyable pressentiment ne put que se confirmer lorsque je contournais la table pour faire face au siège : Johan était mort étranglé, ses yeux exorbités figés de terreur, sa langue pendant grotesquement de ses lèvres entrouvertes.
Je ravalais un sanglot, et tournais les talons, détalant aussi vite que mes jambes flageolantes pouvaient me porter.
Il ne restait qu’Olena et moi désormais, et j’allais nous sortir de là.
Je remontais à ma chambre pour découvrir la porte entrouverte, et mon cœur s’arrêta de battre une fraction de seconde. Avais-je laissé ouvert dans ma précipitation, ou quelqu’un était-il rentré à ma suite ? Des sons étouffés me parvenaient que je n’identifiais pas, et je poussais le battant d’une main tremblante.
Olena était debout au milieu du petit salon attenant à la chambre, une rangée de bouteilles vides étalées sur la table devant elle, et un tissu déchiré et visiblement couvert de sang roulé en boule à côté.
Je m’arrêtais net, terrifiée.
“Olena… Qu’est-ce que c’est que tout cela ?”
“C’est toi…” murmura-t-elle sans me regarder, ses doigts agrippant convulsivement le tissu entâché.
“C’est toi !”, répéta-t-elle en hurlant.
“Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu racontes ?”
Je fis quelques pas en arrière. L’Ukrainienne avait-elle perdu la tête ?
“Je me suis assise sur le canapé en t’attendant. Mais quelque chose me gênait, alors j’ai plongé la main sous les coussins. Et j’en ai retiré un cadavre de bouteille. Puis un autre, et un autre et… ceci.”
Elle brandit le chiffon sali, et je pâlis, reconnaissant à l’instant le motif.
“C’est ma robe ! Qu’est-ce que ça veut dire ?”
“ça veut dire que tu es malade, Camille. Tu as tué le Dr Singh, et probablement Mademoiselle Saka aussi.”
Elle recula à son tour, et je pâlis.
“Non, Olena, c’est impossible. C’est quelqu’un d’autre qui nous manipule, je… Ecoute, Johan est mort. Je l’ai retrouvé étranglé…”
Un sanglot la parcourut, mais elle hurla quand je tentais de m’approcher. Par réflexe, je levai les mains en signe d’apaisement.
“Olena, réfléchis, je t’en prie. Jamais je n’aurais eu la force de tuer Johan, tu le sais. Je suis innocente, je te le jure !”
“Tu nous as raconté comme ton père buvait et était violent. Peut-être es-tu comme lui ? Comment expliques-tu toutes ces bouteilles vides, Camille ?”
Les larmes perlèrent à mes yeux. C’était impossible, je ne buvais pas, jamais ! C’était forcément un coup monté et…
Une vision me parvint. Mes mains, couvertes de sang, que j’essuyais compulsivement sur ma robe déchirée.
Je m’affalais au sol sous l’effet combiné de l’horreur et du choc. Que m’arrivait-il ?
Je passais une main tremblante dans mes cheveux, et un nouveau flashback me revint : une lutte sous l’eau, l’odeur de chlore qui me brûlait les narines.
Je gémis, tendant une main suppliante vers Olena.
La grande blonde me fixait, son visage un masque figé par la peur.
“Tous ces matins où tu t’es plainte d’avoir la migraine… J’aurais dû réaliser... “
“Non, c’est impossible ! C’est toi qui m’as fait ça, avoue ! Tu m’as piégée, tu m’as droguée, tu…”
Une ultime vision me parvint. Les sanglots de Johan qui se transformaient en hoquets désespérés alors que je serrais ma ceinture de toutes mes forces autour de son cou. Je m’évanouis.
Quand je revins à moi, j’étais étendue sur un lit d’hôpital, attachée aux barreaux du lit par des menottes dont le métal glacé entaillait ma chair. Je me mis à sangloter doucement, quand une voix s’éleva du fond de la pièce.
“Mademoiselle Delacroix. Je m’appelle Tibor Szabó, je suis inspecteur de police ici, à Budapest. Une enquête rapide nous a permis de déterminer que vous étiez à l’origine de la mort de trois personnes au Palais Gersham. Vous êtes restée inconsciente plus de 72h. Vous serez prochainement transférée au centre pénitentiaire pour femmes le plus proche, où vous attendrez votre jugement. Vous avez des questions ?”
“Que s’est-il passé ?”
“Il semblerait que, sous le coup d’une intoxication aigüe à l’alcool, vous ayez cédé à des impulsions violentes, que vous avez dirigées contre vos camarades d’enfermement. Madame Volkova nous a tout raconté de son petit jeu malsain. Il est possible que le stress de la situation vous ait fait basculer. Toujours est-il que nous avons trouvé des preuves irréfutables qui vous incriminent, alcoolisée ou non.”
“Et Olena ?”
“Le choc émotionnel a empiré son état. Elle est sous respirateur artificiel. Les médecins n’ont que peu d’espoir… Désolé.”
Une larme glissa le long de ma joue. Je détournais le regard, et mes yeux se portèrent sur le calendrier au mur. Nous étions le 7 juillet, quinze jours s’étaient écoulés. Le compte à rebours d’Olena était fini, tout comme nos vies. Je redoublais de sanglots.
***
J’écris depuis ma cellule de prison. J’attends mon jugement. Mon avocat souhaite que je plaide non coupable, invoquant une folie passagère liée à l’alcool. Peu à peu, les souvenirs me sont revenus de mes horribles crimes. Je suis la seule survivante, a-t-il dit, mais peut-on me considérer comme la survivante, si je suis la meurtrière ? Passer le restant de mes jours derrière des barreaux me terrifie, mais peut-être est-ce ce que je mérite ? Je suis terrifiée de tout. Je me réveille chaque matin en me demandant si je n’ai pas perdu le contrôle durant la nuit. La paranoïa ne me quitte plus. J’espérais qu’en couchant ces mots sur le papier, je trouverai la paix. Je n’ai fait que raviver les cauchemars. Je reçois des tonnes de lettres de gens fascinés par mon histoire, horrifiés, curieux. La simple idée d’ouvrir le courrier me révulse désormais. Bientôt, un juge décidera de ce qui doit être fait de moi. J’ai peur...
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