mardi 13 juillet 2021

[NanoCamp Juillet - Défi Sprint : unifier les textes]

 Le #DefiSprint n°6 de Vicky Saint-Ange était d'unifier les textes des jours 2 à 5. J'ai pesté un peu avant de trouver mon fil rouge (pour autant biscornu qu'il soit), et je pensais faire le combo en quelques mots (mais au moins 100 comme le veut le défi)... J'ai atterri à + de 2000 mots au final. Oups. 
Avertissement : tout petit TW sur la fin du texte où il est fait mention d'une violence subie par mon MC et de la mort d'un personnage qui n'est même pas nommé. Il n'y a aucune description, c'est juste évoqué très rapidement. Pour ne pas lire, il suffit de passer le paragraphe entre {}


Après une nuit entière à se tourner et se retourner dans son lit, Ellie avait pris la décision de poursuivre sa route avec Nolan. Elle aurait toujours l’occasion de rejoindre sa famille de cœur sur le Terpsychore plus tard, mais pour le moment, ils avaient besoin de temps pour guérir de leur traumatisme, et elle qui n’avait pas vécu leur tourment de la même manière ne leur était d’aucune aide.

Elle poursuivrait les patrouilles avec le Thésée pour le moment, tenant son poste pour s’assurer que l’incident avec les X’Ogmons ne se reproduirait pas. Elle frissonna en repensant à la catastrophe intergalactique, et aux révélations apportées par la capture d’une certaine Harriet, qui s’était rendue d’elle-même.

Les X’Ogmons était un peuple curieux par nature, venu d’un univers parallèle. Lors d’une expérience scientifique qui avait mal tourné, Harriet et son collègue avaient donné naissance à une créature-éprouvette, sorte de blob gélatineux, que Lukas, son partenaire, avait nommé Bobby. La créature sentiente avait très vite appris à marcher, mais sa composition s’était révélée instable. Elle grandissait, encore et encore, engloutissant tout sur son passage. Harriet et plusieurs de ses congénères avaient tenté de l’arrêter, mais Lukas avait développé un attachement presque malsain à la bête, la considérant comme son enfant, et s’était opposé à sa destruction. Premier Conseiller du X’ylurn – équivalent d’un Président ou d’un Roi – il avait manigancé pour faire placer Bobby sous la protection de sa Majesté, et lorsque la créature avait débordé, ouvrant des trous entre les univers parallèles et les aspirant, s’en nourrissant pour évoluer, il avait convaincu le X’ylurn de partir en guerre pour protéger le dangereux monstre.

C’est Bobby qui avait dévoré la planétropole X649BG et ses patrouilleurs, et Harriet, à la tête d’une équipe de scientifiques dissidents X’Ogmons, avait travaillé en secret à une arme capable de le détruire, et s’était rendue lorsque celle-ci avait été fin prête. Tous avaient prié très fort qu’en exterminant l’immense blob, les univers et les planètes qu’il avait déjà englouties se remettent à leur place, et coup du hasard ou génie X’Ogmon, c’était bien ce qu’il s’était produit.

Désormais, Harriet et ses camarades étaient retournés dans leur univers, laissant derrière eux Lukas, afin qu’il soit jugé par le Tribunal Intergalactique.
C’était beaucoup à digérer pour tout le monde, et Ellie elle-même se sentait secouée, repassant tout le fil de son existence. Nolan était toujours enfermé dans son laboratoire, tentant de sauver les restes de Monday qui avait grillé dans la bataille, et la jeune femme s’efforçait de lui laisser du temps et de l’espace, alors qu’elle organisait ses pensées.

Finalement, un matin, elle toqua doucement à la porte de l’antre de Nolan, avant de rentrer à petits pas. Le jeune homme leva vers elle un regard interrogateur mais pas dénué d’affection, et elle sourit.
« J’ai un service à te demander, attaqua-t-elle sans préambule. Nous allons bientôt devoir faire escale pour un ravitaillement, et, puisque c’est sur notre chemin de patrouille, j’aurais voulu savoir si tu acceptais que nous nous arrêtions quelques jours sur Hellébore25.
- Héllébore25 ? Qu’y-a-t-il donc là-bas de si particulier ?
- C’est la planète d’où je viens. »

Elle se mordit les lèvres en voyant son regard s’agrandir. Elle lui avait souvent parlé de sa vie à bord du Terpsychore, et même de ses classes de patrouilleuse avec Aurora, mais jamais de sa vie d’avant. Jamais de son enfance, ni de la vie à laquelle elle se destinait jusqu’à ce que l’incident… Non. Elle refusait de se laisser entraîner dans de telles pensées, et reporta son attention sur Nolan.
L’homme la dévisageait, semblant avide de poser des questions mais n’osant pas, et elle ne se sentait pas la force de tout lui dévoiler. Pas encore, se dit-elle. Il dut lire la supplique dans ses yeux, car il s’empressa de répondre :
« Oui, bien sûr, sans problème. Laisse-moi reprogrammer le système navigateur. »
Elle regarda ses doigts courir sur le clavier quelques instants, avant qu’il ne lui adresse un sourire triomphant.
« Nous y serons dans trois jours », claironna-t-il.
Elle lui rendit son sourire et le remercia, avant de tourner les talons et de s’enfuir dans sa chambre.

Arrivée là, elle ouvrit le tiroir qui contenait ses souvenirs, en sortant un livre à la couverture rigide et aux pages écornées. Sortant une petite lame de sa poche, elle la passa délicatement le long de la doublure, révélant un compartiment secret, d’où elle put extraire quelques photos bien cachées.
Elle les parcourut lentement, caressant les visages qui s’y trouvaient, ceux de sa famille aimante.

Ellie avait une sœur, Lucie, et deux grands frères, Hector et Médéric. Leurs parents étaient décédés quand ils étaient encore jeunes, et ils avaient été élevés par leurs grands-parents maternels, Léopold et Géromine. Lorsque l’incident s’était produit, Ellie n’avait pas eu d’autre choix que d’abandonner sa famille, et d’être rayée de tous les documents officiels la mentionnant comme étant rattachée à eux. Sa grand-mère était partie quelques années auparavant, et elle refusait de faire subir sa honte à son grand-père. Elle avait coupé les ponts pour sauver leur réputation et, durant toutes ces années, s’était refusée à regarder en arrière.

Mais la terreur causée par les X’Ogmons remettait beaucoup de choses en perspectives, et elle ne pouvait s’empêcher de penser à eux, à ce qu’ils pouvaient être devenus, et elle se dit qu’il était temps. Si Lucie n’avait pas déménagé – et sa sœur avait toujours été une créature d’habitude – elle la retrouverait.
Lorsque le Thésée s’amarra au port d’Hellébore25, elle descendit du navire le cœur battant. Nolan la regarda faire l’air inquiet, et elle lui promit de revenir sous trois jours, et déposa un baiser sur sa joue avant de se détourner.

Elle se rendit, tremblante, à l’adresse de sa sœur et sonna, en vain. Fronçant les sourcils, elle sonna chez la voisine, qui entrouvrit sa porte, l’air méfiant.
« Je cherche Lucie, je suis une amie d’enfance. » Le mensonge avait coulé facilement de ses lèvres, et elle prit son air le plus innocent, souriant à la vieille dame qui la dévisagea un instant avant de répondre en secouant la tête.
« La pauvre petite a perdu son grand-père il y a une semaine. Elle doit être chez lui en train de remettre ses affaires en ordre. Elle n’est pas aidée, pauvre gamine. Ses frères sont à peine allés rendre visite au vieux lorsqu’il était à l’hôpital, ils sont juste contents d’en être débarrassés. Quelle tristesse… »
Elle marmonna dans sa barbe quelques instants, puis reprit :
« Voulez-vous son adresse ? Cela lui fera peut-être du bien de voir un visage amical. »
Ellie secoua négativement la tête, déglutissant avec difficulté. Elle avait l’impression que ses jambes allaient se dérober sous elle. Faisant fi de toute politesse, elle s’éloigna en courant, ne s’arrêtant que lorsque ses poumons commencèrent à brûler. Elle hoqueta, tentant de repousser la nausée au loin, et passa une main tremblante sur son visage couvert de sueur.
Elle se laissa glisser au sol, les yeux brûlants de larmes, et s’adossa au bâtiment derrière elle, tentant de reprendre la maîtrise de ses pensées.

Comme elle s’y attendait, Lucie ne l’accueillit pas à bras ouverts. Il y eut beaucoup de cris échangés, et quelques gestes de colère, avant qu’elles ne tombent dans les bras l’une de l’autre, pleurant à chaudes larmes la mort de leur grand-père adoré.
Elles discutèrent ensemble jusque tard dans la nuit, dormant ensemble dans le même lit de leur enfance, tentant de rattraper le temps perdu. Au petit matin, elles se séparèrent, se promettant de rester en contact, même si Ellie ne pourrait jamais refaire partie de leur famille.

La jeune femme se promena longuement au hasard des rues. Héllébore25 était une assez petite planète, le port débouchant sur l’unique ville. Partie d’un petit centre-ville bâti par les Gardiens des Livres du Savoir venu coloniser ce petit bout de terre loin des autres planètes, elle s’était étendue au fil des siècles, devenant l’une des planètes satellites dédiées aux apprentis Gardiens. La nostalgie guidait les pas d’Ellie, et sans s’en rendre compte, elle s’approchait doucement du cœur d’Hellébore25, de l’épicentre du Savoir. Une partie d’elle savait qu’elle ne devrait pas s’appesantir sur un passé depuis bien longtemps mort, mais la perte de son grand-père avait ouvert la porte des souvenirs, et elle ne parvenait pas à la refermer. Ses pensées l’entraînèrent vers un autre grand homme qui avait pris beaucoup de place dans sa vie, son Maître du Savoir, le professeur Ericksen. L’homme était déjà à un âge avancé lorsqu’il l’avait prise sous son aile, jeune étudiante élue pour participer à la future génération de Gardiens des Livres du Savoir. C’était un immense honneur pour une famille, et la sienne n’était pas peu fière.

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Malheureusement, lors de sa première année d’études, un Apprenti en troisième année s’était mis à la harceler, la tourmentant régulièrement. Elle n’avait rien osé dire, ayant trop peur de compromettre sa carrière. Un soir, le jeune homme était allé trop loin, et Ellie avait tenté de se défendre. Il l’avait acculée sur un balcon dans les dortoirs des étudiants de première année, et dans la lutte qui s’en était ensuivie, il avait basculé, et était mort sur le coup. Il venait d’une famille influente qui avait menacé et terrorisé la jeune fille qu’elle était, et elle avait accepté leur offre de partir sans rien dire, en contrepartie de quoi ils laisseraient sa famille en paix.
}

Elle avait fait envoyer un mot à son grand-père, prétendant qu’elle avait changé d’avis, et s’était embarquée sur le premier navire en partance pour X649BG avec les quelques maigres possessions qu’elle avait pu prendre avec elle.
Elle n’avait même jamais eu l’opportunité de mettre les pieds dans la Grande Bibliothèque du Savoir, honneur réservé aux Apprentis à partir de la quatrième année. Mais le professeur Ericksen, durant les quelques mois où elle avait eu l’honneur d’être à ses côtés, lui avait décrit le lieu dans les moindres détails, et elle y avait longtemps songé au début de son exil. C’est la rencontre avec Aurora qui lui avait ouvert de nouveaux horizons, et à partir de ce jour-là, elle ne s’était plus appesantie sur le passé.

Jusqu’à maintenant. Revenant au temps présent, chassant la mélancolie qui obscurcissait ses pensées, elle leva la tête. Ses pas traitres l’avaient entraînée jusqu’à la Grande Bibliothèque et elle se mordilla la lèvre, son tic nerveux préféré, avant de céder à l’impulsion.
Elle se faufila dans l’immense porte tourniquet aux parois de verre, son cœur battant la chamade contre ses côtes. La vue de l’autre côté était à couper le souffle, et elle s’écarta du flux des passants, les yeux écarquillés.

Elle resta longtemps immobile, imprimant le moindre détail sur sa rétine, entendant résonner dans sa tête la voix du Professeur Ericksen. Elle refoula ses larmes, constatant avec émotion que l’homme avait su rendre à la perfection la beauté du lieu, son caractère imposant, et la sensation de respect empreinte de piété qu’on ressentait en y pénétrant. L’espace d’un instant, elle se prit à rêver. Et si sa vie avait été différente, et si elle avait pu vivre le fil de ce destin, et si, et si… Quelque chose en elle avait l’impression d’être arrivée là où elle devait être, et un barrage céda au fond de son être.

Puis le rêve fut brisé. S’apercevant du regard lourd qu’un Gardien posait sur elle, elle tourna les talons précipitamment, se glissant à nouveau au travers de la porte tambour, ressortant dans la rue, l’air froid lui frappant le visage. Elle essuya d’un geste agacé les larmes qui perlaient à ses yeux, se maudissant de sa faiblesse.
Dans sa poche, son transmetteur vibra, et elle consulta le message qui s’y trouvait, et qui lui remit du baume au cœur. Sa vie n’était sans doute pas celle qu’elle avait espéré, mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’était pas heureuse. Elle reprit d’un pas léger le chemin du port. Nolan avait trouvé le moyen de rétablir Monday à bord, et l’attendait avec impatience pour célébrer avec elle cette victoire. Elle avait désormais une nouvelle vie, emplie de gens qui l’aimaient, et c’était tout ce dont elle avait réellement besoin pour être comblée.

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