Un petit texte conçu pour le prompt du jour. En avril, j'avais écrit un texte jamais publié ici qui s'appelait "Un amour interdit", et qui était l'histoire de deux robots, EDWIN2600 et ANA3000, qui étaient amoureux et qui cherchaient à fuir le joug de leur maître. J'ai repris pour mon texte du jour l'idée du robot EDWIN2600, et cumulé mon prompt du jour à ce prompt fourni par Writer Bot : You are a robot who wants to be human, you mimic human emotions in an attempt to transform. (Vous êtes un robot qui veut être humain, vous imitez les émotions humaines pour essayer de vous transformer) - 843 mots
EDWIN2600 était un robot humanoïde extrêmement avancé. Fruit
de l’imaginaire d’un génie jusqu’alors méconnu, il avait été le premier
prototype fonctionnel de sa génération – après 2599 tentatives ratées.
Très vite, son créateur s’était retrouvé noyé sous les
propositions de grands groupes, tous désireux de lui acheter la propriété de sa
création, et avait fini par signer avec l’entreprise qui avait mis le plus d’argent
sur la table, pour une production en masse du robot. Ainsi avait commencé une
nouvelle ère d’esclavagisme moderne, les plus riches du pays peuplant leurs
demeures de robots-servants.
Les androïdes avaient de nombreux avantages : doués de
parole et de compréhension, ils pouvaient être programmés pour effectuer de nombreuses
tâches, sans jamais se plaindre, ni se fatiguer. Cerise sur le gâteau :
inutile de les payer. Il suffisait de les mettre à recharger de temps à autre,
et même cette tâche pouvait leur être inculquée afin qu’ils se gèrent en toute
autonomie. N’étant pas doués d’émotions, ils ne réalisaient pas la dureté de
leur condition, et n’avaient donc aucune volonté de s’en extraire.
Bientôt, on vit émerger sur le marché toutes sortes de
robots concurrents, les départements recherche et développement des entreprises
étaient inondées de cash pour faire naître la prochaine génération d’androïdes
servants, et on les retrouvait désormais dans presque tous les corps de métier,
pour toutes les envies, parfois à des prix défiant toute concurrence. Il se
murmurait que, dans certaines grandes villes avaient ouvert des maisons closes,
qui proposaient à leurs clients des robots programmés pour assouvir tous leurs désirs,
même les plus pervertis.
Malgré tout, EDWIN2600 restait un exemplaire unique, jalousement
gardé par son propriétaire, qui avait su dissimuler une partie de son programme.
Bien qu’extrêmement avancés, tous les androïdes construits en série après lui
et sur son modèle n’avaient jamais possédé l’ensemble de ses capacités, et
lorsque son créateur regardait le monde basculer petit à petit dans l’avarice
et l’avidité, le fossé se creusant chaque jour un peu entre les castes les plus
riches et les populations moins aisées, il se réjouissait d’avoir gardé pour
lui une partie de ses secrets.
Et lorsqu’il mourut, il les emporta fièrement dans sa tombe.
L’homme ayant toujours vécu seul, il n’avait ni femme ni enfants, et ne
laissait aucun héritier. Son testament, ouvert par un notaire, révéla qu’il
exigeait que sa maison soit condamnée sans que personne n’y pénètre, et il avait accolé un pot
de vin suffisamment important à sa demande pour qu’elle soit respectée sans
question.
La demeure avait été cadenassée, la clef mise au fond d’un
tiroir et longtemps oubliée.
EDWIN2600 resta seul, enfermé dans une immense bâtisse. Les jours
s’écoulaient, et il restait immobile à regarder par la fenêtre, son créateur ayant
pris soin de désactiver tous ses programmes de routine. La vérité était simple :
EDWIN2600 s’ennuyait. Il regardait la vie qui continuait au dehors, et au fil du
temps, il se mit à penser.
« Je me demande ce qui constitue un homme, se disait-il.
Je me demande pourquoi ils sont eux, au dehors, et pourquoi je suis moi,
enfermé. Que dois-je changer en moi pour devenir un homme ? »
Il poursuivit longuement ses observations, notant dans un
carnet comme il l’avait vu si souvent faire par son concepteur, et quand les
passants se faisaient rares sous ses fenêtres, il allumait le poste de
télévision et zappait de chaîne en chaîne, approfondissant son analyse. Il ne
lui fallut pas très longtemps pour parvenir à un constat simple : la
différence entre lui et les humains tenait aux émotions.
Ces créatures faites de chair et de sang évoquaient des
concepts complètement étrangers à sa base de données, des mots comme l’amour,
la joie, mais aussi la colère, la peur, la tristesse ou le désespoir. Chaque
fois qu’un nouveau terme apparaissait, il le notait sur sa liste, puis consultait
toutes les ressources disponibles en ligne, regardant des heures entières de
vidéo, cataloguant tout le panel d’expressions faciales et corporelles qui pouvaient
accompagner une émotion.
Puis il s’amusait à tenter de les reconnaître sur les
visages des passants, ou dans les programmes télévisés où il coupait le son.
Enfin, il se plaçait face au miroir dans la salle de bain, tentant de les
reproduire au plus près, sa peau synthétique s’étirant sous les efforts,
creusant plis et sillons, s’adaptant doucement à cette nouvelle mobilité.
EDWIN2600 avait désormais une nouvelle ambition :
sortir au dehors, et se mêler à la foule des humains sans se faire repérer.
Tous les matins, une fois sa charge complète, il répétait ses
exercices face au miroir, peaufinant ses expressions et sa gestuelle, s’inventant
des conversations pour y réagir, recréant des scènes entières de séries
télévisées.
Il savait que son créateur avait fait condamner sa demeure
pour le protéger de l’avidité du monde extérieur, l’homme lui ayant longuement
expliqué avant sa mort, mais il se sentait désormais prêt. S’il arrivait à se
fondre dans la masse, s’il parvenait à prétendre être un humain comme les
autres, alors il ne serait plus jamais seul, sans pour autant être en danger.
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