A lire comme la suite du texte unifiant mes participations au #DefiSprint de Vicky Saint-Ange (clic clic pour te rafraîchir la mémoire). Répondant au prompt du jour : "Des beignets pour le dîner" - 1099 mots parce que je me suis laissée emporter par l'amour que j'ai pour ces personnages.
Cela faisait plusieurs semaines désormais qu’Ellie était de
retour à bord du Thésée, et souvent ses pensées l’emmenaient vers sa sœur et
son défunt grand-père.
Elle aimait la vie de patrouilleur, elle était fière de son
métier et de toutes les aventures qu’elle avait vécues, mais depuis son passage
sur Hellébore25, elle ne pouvait empêcher ses pensées de dévier vers la vie qu’elle
aurait pu avoir. Elle n’aurait jamais dû se laisser influencer par la famille
de son agresseur et fuir comme si elle était en tort. Elle aurait se battre
pour sa réputation, et pour celle des siens. Au lieu de quoi elle leur avait
brisé le cœur, et s’était privée de nombreuses années auprès d’eux, qu’elle ne
pourrait jamais récupérer.
Elle avait passé de longs moments en ligne avec Aurora via
un transmetteur qu’avait construit Nolan spécialement pour elle, afin qu’elle
reste en contact étroit avec ses amis du Terpsychore, et la jeune femme lui
avait fait comprendre que ce schéma de pensée ne lui servirait qu’à se tourmenter.
On ne pouvait pas revenir sur le passé, il fallait aller de l’avant.
Désormais, il y avait prescription, et rien ne l’empêchait
de rester en contact avec Lucie, sa sœur, et de lui écrire régulièrement.
C’est ainsi qu’un soir, nostalgique, elle se trouva à lui
envoyer un message par Monday, attendant une réponse le cœur battant derrière
son écran. L’IA aurait pu lui délivrer n’importe quoi dans le vaisseau, mais
cela avait quelque chose de familier d’utiliser un moyen de communication
traditionnel.
Finalement, la notification tant espérée retentit, et elle
lut les quelques lignes écrites par sa sœur un sourire tremblant aux lèvres,
les yeux menaçant de s’embuer de larmes.
« Monday, peux-tu ouvrir la pièce jointe sur un écran
de la cuisine, s’il te plait ? Je vais en avoir besoin. »
« Avec plaisir, Miss Dayton. »
Elle se rendit d’un pas vif à la cuisine, constatant avec ravissement
que la recette était déjà projetée pour elle sur un écran.
« A-t-on tous les ingrédients sur la liste ? »
La voix désincarnée lui répondit par l’affirmative, lui
indiquant où trouver ce dont elle aurait besoin. Elle noua un tablier autour de
sa taille et se mit au travail.
« Lorsque nous étions petits, nous sommes partis vivre
avec mes grands-parents après la mort de mon père et de ma mère dans un
accident. Papy et mamie étaient débordés avec quatre bambins en deuil, je
réalise que nous étions sans doute incontrôlables. Nous étions en colère contre
l’univers, égarés, nous avions perdu le goût de tout. Alors, parfois, mon Papy
nous installait autour de lui dans la cuisine, et nous faisons cette recette
tous ensemble. Cela demandait de se concentrer, et si nous faisions bien notre
travail, la récompense était toujours délicieuse. Ce n’est pas vraiment un plat
du soir, plutôt fait pour le goûter, mais avec ses horaires biscornus, je suis sûre
que Nolan ne m’en voudras pas. Qu’en penses-tu, Monday ? Des beignets pour
le dîner, est-ce que ça pourrait lui plaire ? »
« Je n’en doute pas un instant, Miss Dayton. Comme vous
le savez, le Boss a toujours eu le bec sucré, comme le dit l’expression consacrée.
Et il sera toujours heureux de goûter quelque chose qui vient de vous. »
Emue par le vote de confiance, Ellie se mit à la tâche. Mettant
le lait à chauffer, elle émietta un peu de levure dans un récipient, y ajoutant
ensuite le lait tiédi, avant de réserver le mélange pour plus tard.
Avec l’aide précieuse de Monday, elle pesa la farine et le
sucre en poudre, les versant ensemble dans un saladier. Son grand-père avait
toujours insisté sur l’importance d’avoir des mesures exactes, au gramme près,
sous peine de gâcher la recette. Creusant un puits au centre des poudres, elle y
versa la levure réhydratée dans le lait, un œuf battu et une pincée de sel.
Elle mélangea avec application, jusqu’à obtenir une pâte
homogène qu’elle mit de côté le temps de faire ramollir du beurre coupé en dés,
qu’elle ajouta ensuite à son mélange. Elle s’installa ensuite confortablement
pour son étape préférée : pétrir la pâte une dizaine de minutes, jusqu’à
ce qu’elle soit bien souple.
La recouvrant ensuite d’un torchon humide, elle se lava les mains,
puis nettoyant son plan de travail et les ustensiles dont elle s’était servie.
Monday l’interrompit dans son labeur pour lui rappeler gentiment qu’un lave-vaisselle
était à sa disposition.
« Oui, mais c’était aussi ça, la tradition. Faire les
beignets et nettoyer derrière soi pour avoir la satisfaction d’un travail bien
accompli. Les coups d’éponge faisaient tout autant partie du rituel pour nous. »
Elle prit ensuite le temps de se faire un thé, et de lire les
nouvelles en provenance de la planétropole. Un recensement de grande ampleur
avait été lancé suite à leur retour dans cette dimension, et le chaos régnait
toujours, les habitants manifestant leur colère que le drame n’ait pas pu être
empêché.
Elle avait passé plusieurs nuits à écouter Nolan s’en réjouir,
le jeune homme estimant qu’un changement de système de gouvernance étant nécessaire,
et elle s’efforçait de s’éduquer sur le sujet.
Lorsque Monday lui signala qu’une heure s’était écoulée,
elle mit de côté sa tablette, façonnant les beignets et les déposant sur une
plaque de cuisson, avant de relancer une alerte une heure plus tard.
Cette fois-ci, elle sortit de sa poche le livre qui ne la
quittait plus depuis quelques temps, celui qui l’avait suivie partout depuis si
longtemps, la relique d’un temps passé. Le roman s’appelait « Orgueil et
Préjugés » de Jane Austen, et témoignait d’une époque tellement reculée qu’Ellie
peinait à croire qu’elle ait vraiment existé.
Elle se plongea avec délectation dans le récit qu’elle connaissait
pourtant par cœur, et il lui sembla qu’à peine quelques minutes s’étaient
écoulées quand Monday attira son attention sur le fait qu’il était temps d’enfourner
les beignets, s’étant lui-même occupé de préchauffer le four. Elle badigeonna
les pâtons bien levés d’un peu de lait, et les mit à cuire.
Dix minutes plus tard, Nolan pénétra dans la pièce en même
temps que le minuteur retentissait, et Ellie sortit les beignets joliment dorés
du four. Quand le jeune homme tendit la main vers la plaque, elle lui tapa
gentiment sur les doigts.
« Pas maintenant. Quand ils seront tièdes et saupoudrés
de sucre. Et si tu te montres patient, peut-être qu’ils seront fourrés à la
confiture. »
Nolan déposa un baiser sur sa joue et promis de patienter,
avant de s’éloigner en chantonnant, se dirigeant vers la machine à café.
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