Aujourd'hui, au lieu de travailler le prompt du jour, j'ai travaillé sur un prompt lancé par Hélène : Que dirait Kurtie ? (Kurtie, c'est mon chat)
Hélène, ce texte est pour toi - 687 mots
« J’apprécierais vraiment d’être prévenue quand tu ne
rentres pas à l’heure. »
Je n’avais pas pu retenir la pique, qui avait jailli hors de
ma bouche alors qu’elle venait à peine de franchir le seuil de l’appartement,
jonglant entre son sac, son téléphone et les clefs.
Il faut dire que j’avais passé une mauvaise journée :
ma sieste avait été dérangée par le vacarme des ouvriers qui travaillaient maintenant
depuis des semaines dans la rue, se hurlant des instructions pour tenter de
passer par-dessus le bruit des tractopelles et des marteaux-piqueurs, comme si
cette bande d’idiots ne savait pas que c’était impossible. Je n’ai que mépris
pour les hommes, je ne vais pas mentir. Et quand ils m’empêchent de faire une
sieste durement méritée, je ne peux que les haïr.
Mais revenons à nos moutons : il était maintenant 23h
et, sans doute vexée par mon accueil plutôt froid et clairement agacé, elle ne
m’avait ni approchée, ni adressé la parole. Elle m’ignorait sciemment, les yeux
collés à son téléphone alors que je trépignais d’impatience dans la cuisine,
désireuse d’être remarquée, cajolée, adorée.
Je devais avoir été piquée par le démon, ou bien était-ce un
mélange entre le manque de sommeil et l’ennui, mais je décidais de me venger. J’étais
sans doute trop vieille pour ça, mais à choisir entre la douceur et la
violence, c’était un jour à choisir la violence.
Je décidais donc de courir en rond dans l’appartement en
chantant à tue-tête, de plus en plus bruyante, pour faire signaler ma présence et
qu’elle me remarque enfin. Tout était bon pour la faire réagir et qu’elle s’intéresse
à moi, même si c’était pour me crier d’arrêter.
Ce qu’elle finit par faire au bout de longues minutes où je
commençais à m’épuiser moi-même, ma volonté alimentée seulement par une rage
infondée qui, s’il me fallait être parfaitement honnête, me faisait peur.
Moi qui étais généralement si calme et détendue, j’avais le
diable au corps. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elle rentrait en
retard, trop concentrée sur autre chose pour me consacrer l’attention que je
désirais. Cela finissait généralement par passer rapidement, et elle finissait
toujours par relever la tête, son sourire s’illuminant alors qu’elle m’apercevait,
me murmurant des mois d’amour en recouvrant ma petite tête d’une infinité de baisers.
Je me rengorgeais toujours, m’installant alors sur ses genoux, la suppliant de ne
plus me quitter, tout en sachant pertinemment que le lendemain, tout recommencerait.
Il lui fallait bien gagner sa vie, et pour autant que je le comprenais, elle me
manquait toujours lorsqu’elle n’était pas là, et j’angoissais très vite si elle
ne rentrait pas.
Ce n’était pas rationnel, et je crois que je ne saurais
jamais d’où me vient cette peur panique de l’abandon, toujours est-il que je ne
supportais que difficilement la solitude, et je refusais qu’elle dure plus
longtemps qu’il ne le fallait. J’aurais voulu être en mesure de l’exprimer
autrement que par les cris et la colère, et simplement me blottir dans ses
bras, coller mon nez contre le sien et murmurer un « tu m’as manqué »
plein d’affection, mais voilà, ce soir-là, la colère était montée trop vite
pour que je puisse la retenir, et je m’étais énervée. Et même s’il était hors
de question que nous nous couchions fâchées, je ne parvenais plus à sortir de
cette zone de rage dans laquelle je m’étais enfermée.
C’est l’épuisement qui m’a sauvée. Lorsque je n’eus plus l’énergie
de courir partout en hurlant, je m’arrêtais, me roulant en boule sur le canapé.
C’est là qu’elle me trouva de longues minutes après, son sourire que j’aimais
tant fermement accroché aux lèvres, laissant courir ses doigts sur ma colonne
vertébrale en une caresse pleine d’affection.
Sa voix s’éleva enfin, me demandant d’une voix emplie de tendresse :
« Bonjour mon amour, tu as passé une bonne journée ? »
Je poussais un petit miaulement de confirmation et me recouchait, le museau entre le pattes. J’avais obtenu ce que je voulais, j’étais désormais un chat satisfait. Je m’endormis, bercé par le son de sa voix qui me murmurait des mots doux.
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