samedi 10 octobre 2020

[300 mots] Dépossédés

 Jour 10 du #Writober, et une contrainte de 300 mots. Compte final : 302 mots, et encore un autre univers. 
La préparation pour novembre est dense, je ne suis pas toujours très inspirée et l'exercice devient complexe. 


Il ne restait rien, rien d’autre que des cendres de leur vie, de leur famille, de leur histoire, et quelques planches brisées là où s’était trouvée leur maison.

Ils se tenaient la main, au centre de ce no-man’s land, couverts de haillons, et de suie mêlée de sang et de sueur, et sans doute d’un peu de larmes.

Ils s’accrochaient l’un à l’autre, deux rescapés d’une apocalypse qui les laissaient vides de tout, les oreilles sonnantes et les pieds nus et écorchés foulant le cadavre de leur passé.

Ils restèrent longtemps immobiles, à traquer le moindre mouvement du regard, à attendre un signe de vie quelconque, une preuve qu’ils n’étaient pas seuls au monde, désemparés, dépossédés de leur histoire, leur futur nu et terrifiant devant eux.

Il fallut cependant se rendre à l’évidence, de longues heures plus tard, et tourner le dos à l’immense champ de désolation qui avait remplacé leur village. Sans se lâcher, leurs doigts fermement enlacés, ils escaladèrent les ruines qui composaient désormais leur unique paysage, retenant leur souffle au maximum pour lutter contre les relents de désespoir, de toxicité et de chair carbonisée qui envahissaient leurs narines, faisant monter la nausée. Ils n’échangèrent pas un mot durant toute leur progression, se contentant d’étouffer des grognements de peine ça et là, ravalant les sanglots qui menaçaient de les engloutir, cherchant à mettre le plus de distance possible entre eux et l’enfer.

De temps à autre, ils s’arrêtaient, creusant pour mettre au jour quelques maigres biens qui pourraient s’avérer utiles et ne semblaient pas trop endommagés, mais refusant toujours de se lâcher.

Plus tard, lorsque la nuit fut tombée, trouvant refuge dans la carcasse d’un camion partiellement explosé, ils autorisèrent les larmes à couler librement, hurlant de douleur et de chagrin à la lune, leur souffrance à vif, presque animale.


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