vendredi 23 octobre 2020

[Challenge] Tombée du ciel

 #Writober Jour 23 : Tombée du ciel. On en voit presque le bout, dis donc ! Encore un texte détaché de toute série. Le challenge du bot : 638 mots en 29 minutes. Compte final dans la durée : 778 mots. C'est le texte le + long que j'aie écrit pour le Writober. 


La nuit était d’un noir d’encre, la lune dissimulée par une lourde couverture nuageuse, un temps triste digne des pires journées de l’automne. Miles était couché sous plusieurs plaids, étendu sur la balancelle installée dans un recoin de sa terrasse, celle qui avait connu des jours meilleurs, qui avait appartenu à sa grand-mère, et sur laquelle il aimait se sentir bercé.

Ça lui rappelait son enfance et les vacances, les goûters de tartine beurrées saupoudrées de cacao, tous entassés à cinq sur la banquette à se balancer doucement, et lui, la tête nichée contre l’épaule de ma mamie, femme douce, chaude et moelleuse qu’il adorait de toute sa force d’enfant.

La pauvre femme était partie depuis longtemps maintenant, et Miles s’était battu bec et ongles avec ses frères pour obtenir la balancelle en héritage. Depuis, il s’y endormait bien plus souvent que dans son lit, entassé sous autant de couvertures qu’il lui fallait pour ne pas être gelé. Sa maison lui semblait tellement vide et froide. Sa femme l’avait quitté quelques années auparavant pour s’évaporer dans la nature avec son patron, un cliché qui l’avait fait grincer des dents. Miles travaillait dur, en tant qu’infirmier dans l’hôpital du coin, et prenant des missions en itinérance régulièrement. Sa maison, isolée à la campagne, qui était auparavant son havre de paix, le nid douillet de son couple, était désormais une forteresse de solitude dans laquelle il hésitait à pénétrer, terrifié à l’idée d’y rester coincé. Alors il dormait sur sa balancelle la plupart du temps, dans le cocon moelleux des souvenirs d’un temps plus heureux.

 

Mais cette nuit-là, Miles ne dormait pas. Il aimait l’automne, mais quelque chose dans le temps triste, froid et lourd lui laissait un sentiment de poids sur l’estomac, l’air chargé le gênant pour respirer, et même le grincement doux de sa balancelle ne suffisait pas à l’apaiser. Alors il scrutait la nuit, enroulé dans ses plaids, une tisane à la main, humant des mélodies sans queue ni tête.

Une lumière fugace lui fit relever la tête, cherchant avec attention le signe de quelque chose dans la nuit noire, qui avait disparu aussitôt qu’arrivé. Miles se pinça la cuisse : peut-être était-il plus assoupi qu’il ne lui avait semblé. Mais non, là, encore, un point clignotait. C’était loin dans le ciel, si faible qu’on pourrait penser l’avoir rêvé, mais plus il fixait son attention dessus, mieux il le voyait.

La lumière était d’un blanc pur, presque douloureux s’il la regardait directement, alors il s’efforçait de se concentrer sur l’espace autour. Au bout d’un moment, il s’aperçut que le point avait grossi de façon conséquente. C’était désormais une boule de lumière. Miles pensa une fraction de seconde qu’il devrait peut-être sortir son téléphone de sa poche et filmer ce qui était en train de se produire, mais quelque chose l’en empêchait. Une sensation d’intimité, de bien-être qui s’emparait de lui et qu’il ne voulait partager pour rien au monde. La lumière semblait se diriger vers lui, le chercher, et il serra doucement les mains autour de sa tasse chaude, poussant de la pointe de son pied pour relancer le mouvement de la balancelle. Il ne lui restait qu’à attendre.

 

Il fallut encore de longues minutes à la boule pour se rapprocher, et Miles réalisa soudain que la forme ressemblait plutôt à celle d’une capsule, comme une petite fusée lumineuse qui plongeait vite, peut-être trop, droit sur son jardin. Un sifflement aigu se faisait entendre, l’appareil fendant l’atmosphère avec violence. Miles se demanda s’il était normal de ne pas avoir peur, ou s’il avait finalement perdu la tête. Enfin, l’engin arriva droit sur son terrain, effleurant la cime des arbres sans perdre de vitesse, et se crasha dans un grand bruit de métal droit sur son parterre de marguerites. Cela ressemblait en effet à une fusée, suffisamment petite pour accueillir une personne humaine unique, mais pourquoi pas une multitude d’aliens, qui sait à quoi ils pouvaient bien ressembler ?

Miles resta immobile sur sa balancelle qui s’agitait un peu plus fort sous l’effet du crash, et il s’interrogea encore une fois sur sa santé mentale. Une lumière blanche aveuglante coupa court à ses tergiversations, l’obligeant à lever les mains pour se protéger les yeux, le liquide désormais froid dans sa tasse qu’il agrippait toujours l’éclaboussant légèrement. Une ombre passa devant lui, masquant la lumière, et il baissa les bras, rouvrant prudemment un œil, puis les deux. Une créature longiligne, à la peau translucide, le fixait. De surprise, il lâcha sa tasse, et la créature lui sourit, tendant vers lui une fine main. « Vous êtes la plus belle chose que j’aie jamais vue », murmura-t-il.


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