#Writober Jour 23 : Tombée du ciel. On en voit presque le bout, dis donc ! Encore un texte détaché de toute série. Le challenge du bot : 638 mots en 29 minutes. Compte final dans la durée : 778 mots. C'est le texte le + long que j'aie écrit pour le Writober.
La nuit était d’un noir d’encre, la lune dissimulée par une
lourde couverture nuageuse, un temps triste digne des pires journées de l’automne.
Miles était couché sous plusieurs plaids, étendu sur la balancelle installée dans
un recoin de sa terrasse, celle qui avait connu des jours meilleurs, qui avait
appartenu à sa grand-mère, et sur laquelle il aimait se sentir bercé.
Ça lui rappelait son enfance et les vacances, les goûters de
tartine beurrées saupoudrées de cacao, tous entassés à cinq sur la banquette à
se balancer doucement, et lui, la tête nichée contre l’épaule de ma mamie, femme
douce, chaude et moelleuse qu’il adorait de toute sa force d’enfant.
La pauvre femme était partie depuis longtemps maintenant, et
Miles s’était battu bec et ongles avec ses frères pour obtenir la balancelle en
héritage. Depuis, il s’y endormait bien plus souvent que dans son lit, entassé
sous autant de couvertures qu’il lui fallait pour ne pas être gelé. Sa maison lui
semblait tellement vide et froide. Sa femme l’avait quitté quelques années auparavant
pour s’évaporer dans la nature avec son patron, un cliché qui l’avait fait
grincer des dents. Miles travaillait dur, en tant qu’infirmier dans l’hôpital
du coin, et prenant des missions en itinérance régulièrement. Sa maison, isolée
à la campagne, qui était auparavant son havre de paix, le nid douillet de son
couple, était désormais une forteresse de solitude dans laquelle il hésitait à
pénétrer, terrifié à l’idée d’y rester coincé. Alors il dormait sur sa
balancelle la plupart du temps, dans le cocon moelleux des souvenirs d’un temps
plus heureux.
Mais cette nuit-là, Miles ne dormait pas. Il aimait l’automne,
mais quelque chose dans le temps triste, froid et lourd lui laissait un
sentiment de poids sur l’estomac, l’air chargé le gênant pour respirer, et même
le grincement doux de sa balancelle ne suffisait pas à l’apaiser. Alors il scrutait
la nuit, enroulé dans ses plaids, une tisane à la main, humant des mélodies
sans queue ni tête.
Une lumière fugace lui fit relever la tête, cherchant avec
attention le signe de quelque chose dans la nuit noire, qui avait disparu
aussitôt qu’arrivé. Miles se pinça la cuisse : peut-être était-il plus
assoupi qu’il ne lui avait semblé. Mais non, là, encore, un point clignotait. C’était
loin dans le ciel, si faible qu’on pourrait penser l’avoir rêvé, mais plus il
fixait son attention dessus, mieux il le voyait.
La lumière était d’un blanc pur, presque douloureux s’il la
regardait directement, alors il s’efforçait de se concentrer sur l’espace autour.
Au bout d’un moment, il s’aperçut que le point avait grossi de façon conséquente.
C’était désormais une boule de lumière. Miles pensa une fraction de seconde qu’il
devrait peut-être sortir son téléphone de sa poche et filmer ce qui était en
train de se produire, mais quelque chose l’en empêchait. Une sensation d’intimité,
de bien-être qui s’emparait de lui et qu’il ne voulait partager pour rien au
monde. La lumière semblait se diriger vers lui, le chercher, et il serra
doucement les mains autour de sa tasse chaude, poussant de la pointe de son
pied pour relancer le mouvement de la balancelle. Il ne lui restait qu’à
attendre.
Il fallut encore de longues minutes à la boule pour se
rapprocher, et Miles réalisa soudain que la forme ressemblait plutôt à celle d’une
capsule, comme une petite fusée lumineuse qui plongeait vite, peut-être trop, droit
sur son jardin. Un sifflement aigu se faisait entendre, l’appareil fendant l’atmosphère
avec violence. Miles se demanda s’il était normal de ne pas avoir peur, ou s’il
avait finalement perdu la tête. Enfin, l’engin arriva droit sur son terrain,
effleurant la cime des arbres sans perdre de vitesse, et se crasha dans un
grand bruit de métal droit sur son parterre de marguerites. Cela ressemblait en
effet à une fusée, suffisamment petite pour accueillir une personne humaine
unique, mais pourquoi pas une multitude d’aliens, qui sait à quoi ils pouvaient
bien ressembler ?
Miles resta immobile sur sa balancelle qui s’agitait un peu
plus fort sous l’effet du crash, et il s’interrogea encore une fois sur sa
santé mentale. Une lumière blanche aveuglante coupa court à ses
tergiversations, l’obligeant à lever les mains pour se protéger les yeux, le liquide
désormais froid dans sa tasse qu’il agrippait toujours l’éclaboussant
légèrement. Une ombre passa devant lui, masquant la lumière, et il baissa les
bras, rouvrant prudemment un œil, puis les deux. Une créature longiligne, à la
peau translucide, le fixait. De surprise, il lâcha sa tasse, et la créature lui
sourit, tendant vers lui une fine main. « Vous êtes la plus belle chose
que j’aie jamais vue », murmura-t-il.
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