vendredi 2 juillet 2021

[NaNoCamp Juillet - défi]

 Ecrit en 20 minutes avec les mots suivants fournis : maki, thé, emberlificoter, fantôme



Le rituel était toujours le même. Faire bouillir l’eau. Lavez le riz. Tailler les légumes. Doser la poudre, avec soin, et rajouter l’eau, petit à petit dans le bol, mélangeant délicatement avec le fouet en bois, humant avec délice les parfums de matcha qui s’échappaient du breuvage.

Boire le thé, dans un silence quasi religieux, et retourner à sa préparation. Mettre le riz à cuire et le saumon à mariner. Se resservir une tasse de thé, et laisser le temps s’écouler, indifférent aux fils du monde qui s’enroulaient et se déroulaient, certains se brisant, flottant au loin pour aller s’accrocher ailleurs sur la toile. La tapisserie n’avait pas besoin de lui, il n’en était que le gardien, et après autant de siècles à l’avoir contemplée, observée, étudiée, il en était las.

Le calme régnait depuis qu’il était entré au poste, jeune esprit curieux de tout. Avant lui, il savait que la toile avait été gardée par des équipes, mais lui était seul. Il se murmurait que le précédent gardien s’était laissé emberlificoter par une créature des ténèbres, et avait si profondément emmêlé la toile, si bien sapé le travail que le monde avait plongé pendant plusieurs années dans le chaos.

Bien sûr, à leur échelle, plusieurs années s’écoulaient en un clignement d’œil, malgré tout, l’afflux massif des fantômes de pauvres âmes égarées avait créé des embouteillages inquiétants.

Mais ce n’était peut-être que rumeurs, après tout. Il était là depuis si longtemps, après tout, que tout ce qui était au-delà de la toile ne le concernait pas. Les choses telles qu’elles étaient lui convenaient bien. Un rituel, toujours le même. Boire du thé, et dérouler sur une natte en bambou une feuille d’algue noire, qui crissait sous ses doigts et emplissait ses narines d’un parfum iodé presque écœurant. Y déposer un peu de riz collant, les légumes parfaitement taillés, le saumon mariné. Rouler la natte, lentement, en serrant bien. Détailler le boudin ainsi formé, et déposer les makis sur une assiette. Enfin, les manger.

Il prenait son temps. Il n’avait plus que ça, le temps. Et ça avait quelque chose de rassurant, de répéter toujours les mêmes gestes. Jeter un œil à la toile. Boire le thé. Faire des makis. Recommencer.

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